Par Florie Dumas-Kemp, juin 2016
Les plus récentes coupes budgétaires dans le réseau des garderies subventionnées démontrent une nouvelle fois que le projet de démantèlement de nos services publics au profit du privé suit son cours et que ce sont les femmes qui sont les premières à en faire les frais.
Qu’il s’agisse des coupes de 120 M$ pratiquées en février dernier ou de la modulation des tarifs de garderie décrétée en 2014, les décisions politiques libérales prises sous le couvert d’un « rééquilibre budgétaire » marquent une nette régression sur les avancées féministes des trente dernières années. Les impacts positifs de la politique familiale du Québec sur la situation des femmes sont ainsi mis en péril. Quels sont ces effets et en quoi cela fait-il que le Québec se démarque des autres provinces canadiennes sur le plan des leviers mis en place pour promouvoir l’égalité des genres? Nous résumerons ici certains résultats de l’étude réalisée par l’IRIS sur la privatisation des services de garderies*.
Tout d’abord, la mise en place de la politique familiale du Québec en 1997, la création d’un réseau de garderies subventionnées et l’introduction d’un nouveau congé parental en 2006 visaient à permettre aux parents de retourner au travail pendant que leurs enfants étaient pris en charge par des services compétents et stimulants offerts à un prix abordable. Alors qu’à l’époque, tant les schèmes de pensée sexistes (les femmes auraient un don « naturel » pour le soin des enfants) que les conditions économiques (garderies inaccessibles et en manque de places, salaires moindres pour les femmes, etc.) incitaient fortement les femmes à rester à la maison, la nouvelle politique offrait plutôt la possibilité aux mères d’envisager un retour sur le marché du travail. Près de 20 ans après son adoption, l’IRIS fait la démonstration de l’efficacité des mesures prises.
En effet, les chercheurs soulignent qu’en 2014, avant que le gouvernement libéral ne module les tarifs en fonction des revenus familiaux, le Québec était la province au Canada où le coût des services de garde était le moins élevé par rapport au revenu médian des femmes de 25 à 34 ans. Ces coûts représentaient environ 5 % du revenu des femmes québécoises, par rapport à environ 30 % dans la plupart des autres provinces. Bref, c’est au Québec que « le coût de ces services est le moins élevé et que le revenu des femmes est le moins amputé ». Autre conséquence selon l’IRIS des mesures issues de la politique familiale québécoise, la proportion de Québécoises actives (emploi, études, etc.) mères de jeunes enfants, qui était la plus basse du Canada en 1995, était devenue la plus élevée en 2015.
Finalement, la politique familiale a permis aux femmes d’accéder en plus grand nombre au marché du travail et d’ainsi transgresser les attentes sociales, jusqu’alors jugées naturelles, liées à leur sexe et à leur rôle de mère. Par ailleurs, l’IRIS souligne dans son rapport le rôle majeur qu’a joué la création d’un réseau public de garderies subventionnées dans la création d’un service de qualité ainsi que dans la valorisation et la rémunération du travail de soin des enfants, habituellement effectué gratuitement par les femmes. Même si ce travail reste peu valorisé, le réseau subventionné québécois a permis de fournir des conditions de travail supérieures à celles ayant cours dans le reste du Canada. Toutes ces avancées vers une plus grande égalité des genres sont mises en péril par le sous-financement de notre réseau subventionné et par la privatisation en résultant.
Étude disponible ici : LES SERVICES DE GARDE AU QUÉBEC : CHAMP LIBRE AU PRIVÉ