Le jeudi 4 mai dernier, l’humoriste trifluvien Francis Legendre lançait la première d’une série de soirées d’humour au café-bar le Zénob. Tous les premiers jeudis du mois, le public est invité à voir les sketchs de quatre humoristes, cinq si Legendre, animateur de la soirée, est inclus dans le lot. Ce soir-là, beaucoup de rires ont fusé et les moments les plus drôles du spectacle étaient souvent… inattendus.
Soirée de rodage
Deux représentations étaient au programme ; la première à 19h30 et une deuxième à 21h15. Si la première faisait salle comble (sold out en bon français), la deuxième devait l’être également. Legendre précise qu’il s’agit d’une soirée de rodage pour les humoristes et suggère au public de se manifester lorsque opportun ; applaudir, rire, et ne parler que si on s’adresse à nous. Une dernière consigne que certaines personnes ignoreront plus tard.
Le courage de l’humour
Le premier humoriste à plonger est Christophe Dupéré. S’autoproclamant « dans le milieu » dans toutes les catégories, il s’enorgueillit de ne pas viser le haut du podium. Ce personnage de « gars de la classe moyenne » sans grande ambition ou vocabulaire rend Dupéré attachant et réussit à tirer plusieurs bons rires du public.
La deuxième humoriste et seule femme de la programmation (programmation très masculine et homogène, notons-le), Daphné Létourneau, éprouve plus de difficultés à viser juste. Plusieurs blagues tombent à plat, elle le remarque d’ailleurs à voix haute à une reprise.
Lire les autres critiques culturelles de La Gazette
Celle qui est connue pour son rôle dans l’excellent Club Soly aborde son anxiété et son hypervigilance, ainsi que la théorie selon laquelle les gens sont à six degrés près de connaître n’importe qui sur le globe. Sa prestation rappelle que l’acte de lancer des blagues devant un public reste une chose terrifiante. On salue son courage.
Un effet domino de distractions
Alexandre Bisaillon prend la place de Létourneau et s’impose comme un performeur vif d’esprit qui s’adapte à n’importe quelle situation. Son TDAH le distrait lorsqu’un membre du public (un certain Mathieu) regarde avec des grands yeux la porte de sortie, qui attire en retour le regard de Bisaillon, qui demande : « Cous donc, tu regardais la porte comme si quelqu’un était entré avec un gun ! », ce qui lui fait regarder un autre membre de l’assistance près de ladite porte de sortie, que l’humoriste interpelle pour mentionner sa ressemblance frappante avec son frère, Francis Legendre, animateur de la soirée.
Le tout est un effet domino de distractions qui permet à l’humoriste franco-ontarien de montrer son adaptabilité et son talent d’improvisateur. « Je me donne un sept sur dix pour mon improvisation », note-t-il, mais il aurait pu se gratifier d’un 8. Sa manière d’utiliser le micro dénote aussi une certaine adresse sur scène ; il l’utilise comme accessoire, s’en rapproche ou s’en recule pour contrôler le son de sa voix.
Un humoriste vedette
Alors que la salle sent de plus en plus la fragrance musquée du poêle à bois de la terrasse du Zénob, Francis Legendre annonce un invité vedette : Phil Roy. Ce dernier prend le micro avec l’aisance de quelqu’un qui se sait connu (et aimé), et cela ne fait que rendre ses interactions encore plus solides.
Plusieurs membres du public se permettent de l’apostropher, chose qu’il adresse habilement, notamment en narguant une femme locace en sortant une liasse de billets de sa poche arrière en lui disant que c’est lui qui a l’argent qu’elle a déboursé pour la soirée. (Il s’avère que celui qui avait distrait Mathieu, le membre du public qui avait regardé la sortie, c’était Roy. Tout est dans tout.)
Puis après quelques gags sur la parentalité, il prend une guitare pour quelques mélodies. Il entame une reprise de « Tassez-vous de d’là » des Colocs avec son refrain en Wolof (langue du Sénégal) bâclé, ou encore évoque une soirée karaoké où deux banlieusards s’attaquent maladroitement à « Lose Yourself » d’Eminem sans réaliser l’ampleur de la tâche.
Il termine son sketch avec une chanson de son cru, qu’il souhaite imprégner dans l’esprit du public comme un ver d’oreille, dont le refrain entonne « Tourtière d’amour » à répétition. Si le ver d’oreille ne s’est pas implanté les jours suivants tel que prévu, son passage au Zénob, lui, reste en mémoire.