Laurence Primeau – Suggestions de nos libraires – Librairie Poirier – septembre 2021
Hématite, Victoria Maderna et Federico Piatti chez Dargaud
Hématite Blackwood est une jeune vampire un peu spéciale. Non-conformiste dans l’âme, elle aime la poésie, mais le goût du sang la répugne. Au grand désarroi de ses parents, elle préfère se nourrir de légumes et refuse de fréquenter l’Académie Diaemus, prestigieuse école où tous les vampires se scolarisent. À travers les personnages de ses deux parents, dépeints comme distingués et sophistiqués, nous comprenons assez vite que les vampires représentent une classe élevée de la société.
Mélancolique à souhait, Hématite ne se reconnait pas dans cet héritage aristocratique et se plonge dans divers scénarios mettant en scène le beau Émile, un autre étudiant de la Wolven school dont elle est amoureuse. C’est grâce à son amie goule, Drunela, qu’elle se lie progressivement d’amitié avec les autres de la bande, qui sont aussi des créatures fantastiques dotées d’une personnalité rebelle et marginale.
Ce premier tome de la série amène le lecteur dans un univers occulte où l’esthétique victorienne se mêle à la juvénilité de l’adolescence, avec une touche d’humour noir qui n’est pas sans rappeler l’imaginaire de The Addams Family. On constate aussi que les humains cohabitent avec les êtres surnaturels d’une mystérieuse façon. Pendant une intervention des forces de l’ordre qui fait feu lors d’un concert clandestin, on comprend que les relations entre les différents types d’êtres qui composent l’univers de la bande dessinée reposent peut-être sur un équilibre assez fragile. Peut-être cet aspect sera-t-il développé dans les tomes suivants, à suivre!
Notre guerre contre le sexisme ordinaire, Katia Vecchio – Kev Sherry – Helen Mullane
Juste avant que son défilé de mannequinat ne commence, Sophie reçoit la triste nouvelle par l’intermédiaire de Michèle, son amie du lycée. Elle se remémore alors les événements bouleversants, mais aussi les souvenirs associés à leur amitié.
Alors que Sophie était studieuse et discrète, Michèle était plutôt mollo et cynique, préférant fumer des joints plutôt que d’aller s’enfermer entre les quatre murs de la bibliothèque. Mais c’était Sélène qui était à la tête du trio. Féministe engagée et passionnée de contre-culture, elle animait leurs soirées de jeux de rôle impliquant des incantations de sorcellerie, du sang menstruel et un bong. C’est en les défendant du persécuteur de l’école, Forsey, qu’elles s’étaient liées d’amitié avec Tom, Éric et Geoff, trois garçons qui partageaient leur intérêt pour la marijuana et les trucs geek. Tous étaient inspirés par la force d’esprit et le courage de Sélène lorsqu’elle se battait contre les comportements violents de Forsey et les commentaires sexistes du professeur Frome. Mais personne n’a pu intervenir lorsque les choses ont réellement commencé à s’envenimer. Alors que l’histoire s’avère de plus en plus tragique, le lecteur ne peut qu’être touché par le personnage de Sélène qui, victime de son avant-gardisme, n’arrête jamais de militer malgré la douleur causée par l’absence de sa mère et les mesures castrantes de ses grands-parents.
Originalement publié en une mini-série de format numérique, ce roman graphique publié chez Les Humanoïdes Associés est une véritable perle autant pour les adolescent.es que les jeunes adultes. En prenant en exemple le sexisme imposé dans le milieu de la mode et le tabou qui plane autour des menstruations, notre guerre contre le sexisme ordinaire parvient à nous sensibiliser à des injustices beaucoup trop répandues. Cette lecture nous rappelle aussi à quel point il est sidérant de constater que l’inégalité des sexes se manifeste de façon aussi ostentatoire dans les écoles, autant chez les étudiant.es que chez les membres du personnel. Il s’agit d’un inévitable pour tous ceux et celles qui désirent transcender le sexisme ordinaire.