*Mise à jour: Le ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, M. Benoit Charette, a annoncé le lundi 4 novembre un nouveau règlement permettant d’accélérer la récupération et la valorisation des gros électroménagers y compris les appareils réfrigérants domestiques. Par contre, contrairement à d’autres filières pour lesquelles il existe une responsabilité élargie des producteurs (voir texte), la facture du programme de récupération sera assumée en bonne partie par le gouvernement du Québec qui investit 90 M$ sur la période 2020-2031.
Laura Lafrance, novembre 2019
En juin dernier, PureSphera, l’unique usine au Québec se spécialisant dans la récupération d’appareils domestiques de réfrigération et de climatisation, a annoncé qu’elle était menacée de fermeture. L’entreprise ne reçoit pas suffisamment d’appareils réfrigérants pour utiliser son usine de Bécancour à pleine capacité ce qui compromet la rentabilité des opérations. Or, l’enjeu est majeur, puisque tout réfrigérateur usagé qui n’est pas recyclé correctement a le potentiel d’émettre autant de gaz à effet de serre (GES) qu’une voiture parcourant 17 000 km par année.
Créée en 2008 et autrefois connue sous le nom Recyclage Écosolutions, PureSphera est la seule compagnie au Canada qui recycle à 96 % les gaz nocifs et à 99 % les matériaux qui composent les appareils réfrigérants comme les vieux réfrigérateurs ou les climatiseurs. Le Fonds d’action québécois pour le développement durable (FAQDD) mentionne que depuis sa création, « PureSphera a permis la gestion optimale de plus de 650 000 appareils frigorifiques domestiques en fin de vie, contribuant ainsi à la réduction de plus de 1 250 000 tonnes d’équivalent CO2 de GES ».
De puissants GES
Les réfrigérateurs et les climatiseurs contiennent des halocarbures, c’est-à-dire des gaz réfrigérants dont le potentiel de réchauffement peut atteindre jusqu’à 14 000 fois celui du CO2. De plus, certains vieux appareils contiennent des halocarbures nuisibles pour la couche d’ozone.
Grâce à son procédé, PureSphera permet au Québec d’éviter l’émission d’une quantité impressionnante de GES, ce qui fait de l’entreprise le plus grand fournisseur québécois de crédits compensatoires sur le marché du carbone. Malgré cette bonne performance, PureSphera pourrait en faire plus.
Destination des appareils réfrigérants
Environ 300 000 appareils frigorifiques arrivent en fin de vie, chaque année au Québec. De ces 300 000, seulement 10 % sont récupérés par l’entreprise de Bécancour. Les autres appareils peuvent être partiellement récupérés par d’autres entreprises certifiées. C’est le cas notamment à la Régie de gestion des matières résiduelles de la Mauricie (RGMRM) où on indique avoir reçu et récupéré les halocarbures d’environ 8000 appareils au cours de l’année 2018. La RGMRM avoue toutefois qu’une proportion inconnue d’appareils réfrigérants lui échappent et aboutissent chez les ferrailleurs.
En raison des prix des métaux, il peut être intéressant d’apporter un réfrigérateur chez un ferrailleur. Par contre, un ferrailleur n’acceptera par un appareil réfrigérant qui contient encore des gaz réfrigérants. Or, il n’y aucune manière de savoir comment les halocarbures sont retirés avant que les appareils soient acheminés aux ferrailleurs. Il y a lieu de croire que ces gaz sont tout simplement rejetés dans l’atmosphère.
Une réglementation édulcorée
En juillet 2017, le Ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques déposait un projet de règlement afin que les appareils ménagers et de climatisation soient visés par la responsabilité élargie des producteurs (REP), c’est-à-dire « une approche qui vise à transférer la responsabilité de la gestion des matières résiduelles engendrées par la consommation de divers produits aux entreprises qui sont à l’origine de leur mise en marché ». Or, ce projet de règlement, qui aurait permis d’éviter l’émission de près de 2400 kilotonnes d’équivalent en CO2 sur l’horizon 2024-2035, a été abandonné suite aux pressions de l’industrie.
En juillet dernier, le gouvernement, dirigé par la CAQ cette fois, déposait un nouveau règlement sur les halocarbures en excluant les appareils réfrigérants domestiques. Ce règlement édulcoré est critiqué par de nombreuses organisations environnementales (voir mise à jour plus haut).