Photo : David Leblanc / © La Gazette de la Mauricie et des environs

Valérie Deschamps, est une femme qui marque de son empreinte le paysage culturel québécois. Si on fait une recherche sur elle, on découvre une artiste engagée, passionnée par l’histoire, les récits, et surtout par les personnes extraordinaires qui peuplent nos vies, souvent dans l’ombre. Elle a ce talent rare de donner une voix à celles et ceux qu’on oublie trop facilement, tout en les mettant en lumière avec respect et authenticité.

Pour la parution de ce mois-ci, j’ai été à la rencontre de cette vieille amie, celle qui va au-delà des mots pour toucher l’humain. Et c’est sur la 138, à notre point de rendez-vous habituel, que je me rends pour tenter de recréer cette ambiance unique. Valérie est là, fidèle à elle-même, avec son sourire et son énergie contagieuse. On s’installe tranquillement avec nos cafés, nos empreintes digitales encore fraîches sur les tasses, et on plonge dans la conversation. 

Q On se connaît depuis un bon moment déjà, notamment grâce à nos collaborations à La Gazette de la Mauricie. Justement, il y a un projet en particulier qui a marqué le début de ta carrière. Est-ce que tu pourrais m’en parler un peu ?

En fait, tout a pas mal commencé avec toi, David, et avec La Gazette. Racines mauriciennes était un projet où on allait à la rencontre de Monsieur et Madame Tout-le-monde, dans l’objectif de recueillir l’histoire des gens qui ont façonné la Mauricie. On ne voulait pas parler de politique, ni d’économie, ni des grandes industries ou des grands personnages sportifs. Ce qu’on voulait, c’était rester terre à terre et s’intéresser aux gens qui forment la Mauricie. Parce que souvent, ce qu’on oublie, c’est que sans la population, il n’y a pas de collectivité, pas de communauté. Sans ces gens-là, il n’y a rien, finalement.

C’était un peu ça, le projet : aller sur le terrain, poser des questions simples, presque banales, comme dans une conversation, pour La Gazette. Je commençais d’ailleurs chacune des entrevues en disant : « On va juste jaser. » Et c’était exactement ça, l’objectif. Je pense que ça a eu son effet, parce qu’on a recueilli plusieurs confidences et abordé des sujets qui n’avaient jamais été discutés auparavant. Au final, ce qui nous intéressait, c’était l’humain, la personne. Ce n’était pas nécessairement les réalisations des gens, mais plutôt le pourquoi de ces réalisations, ce qui se cache dans leur personnalité. Et c’est là qu’on a découvert des petites perles, des récits uniques qu’on a eu la chance de partager. Racines mauriciennes, ça a vraiment marqué le début de ma carrière. Ce projet est plus qu’important dans ce que je fais aujourd’hui.

Q Si on parle de ta carrière, après la création de ce projet-là, ça a ressemblé à quoi, ton parcours professionnel ?

Au départ, quand je me présentais, je parlais de patrimoine et de mémoriel. J’ai commencé par faire plusieurs vidéos, et des balados en utilisant ma formation d’animatrice radio, et ça m’a permis de m’exprimer dans ces domaines.

Avec le temps, j’ai réalisé que j’avais envie de me spécialiser davantage, particulièrement sur la question des femmes, qui sont souvent oubliées et même mises de côté. Au fil de mon parcours, je suis passée de « professionnelle en patrimoine mémoriel » à « professionnelle en matrimoine mémoriel », puis simplement en « matrimoine ». Cette évolution m’a ouvert les yeux : ce ne sont pas seulement Monsieur et Madame Tout-le-monde qui sont effacé-es de l’histoire, il y a aussi des groupes entiers encore plus marginalisés, comme les femmes, les communautés culturelles et les Autochtones.

J’ai choisi de me concentrer sur le matrimoine, parce qu’ayant travaillé dans le patrimoine, j’ai pu constater à quel point on met souvent des obstacles aux femmes. J’ai même siégé à un comité de toponymie où je proposais de féminiser davantage les noms de lieux. Au lieu de m’appuyer, on m’a dit : « Bonne chance. » C’est des hommes qui disaient ça, et leur attitude montrait clairement que la parole des femmes était moins écoutée.

En plus, dans les domaines où je travaille, comme la réalisation de contenu ou l’animation historique, il y a très peu de femmes. Quand je représente des femmes de l’histoire, je vois l’impact que ça peut avoir. Par exemple, un jour je portais une robe d’époque pour une animation sur la Nouvelle-France, et une petite fille de cinq ans est venue me voir et m’a simplement demandé : « Wow, es-tu une princesse ? » Ce moment m’a profondément touchée, parce qu’il reflète l’importance de donner des modèles aux jeunes filles, qui sont souvent négligées. On met toujours de l’avant des petits garçons comme héros dans les histoires et les séries télé, et on oublie trop souvent les filles. À travers tout ça, ma carrière s’est orientée vers des projets féministes. 

Q Depuis 2024, tu sembles avoir pris un tournant important en lançant tes propres projets, que ce soit ton spectacle de contes féministes ou ton balado sur le matrimoine. Qu’est-ce qui t’a poussée à faire ce grand saut et à t’affirmer pleinement dans ta carrière ?

En 2024, j’ai pris la décision de lancer mes propres projets, et ça a été le bon choix. C’est là que j’ai décidé de faire officiellement du conte. Avant, je n’osais pas me lancer. Ce n’était pas vraiment à cause du syndrome de l’imposteur, mais je n’étais pas à l’aise. Pourtant, dans ma vie, j’ai rencontré des conteurs extraordinaires, des gens pour qui c’était une vocation. Et un jour, je me suis dit : « Pourquoi pas moi ? Moi aussi, je peux avoir mon créneau. »

Au début de 2024, j’ai lancé mon spectacle de contes féministes TeamMadame, qui parle de femmes extraordinaires oubliées de l’histoire. Cette année-là a vraiment marqué un tournant, parce que j’ai aussi lancé le balado TeamMadame, qui, bien qu’il ne soit pas basé sur des contes, présente le parcours de femmes remarquables du Québec. Ce projet a renforcé le fait que ma carrière, même si elle s’est construite petit à petit, m’amène aujourd’hui à réaliser des projets qui me représentent à 100 %. Que ce soit sur une scène ou derrière un micro, je peux être moi-même. Je n’ai pas à surveiller mes mots. Je peux même faire des blagues spontanées, la petite touche « Valérie Deschamps », sans me demander si ça va plaire à un patron. Cette liberté m’est très précieuse.

Je dirais que je me considère de plus en plus comme une artisane plutôt que comme une artiste. Je travaille avec le vrai, avec les gens. Sans eux, je ne ferais pas ce que je fais. Mon art n’existerait pas sans ce lien avec le monde. En fin de compte, c’est cette authenticité, ce contact humain, qui nourrit tout ce que je crée.

Q Et si on se projette dans l’avenir, disons dans 10 ans, où te vois-tu ?

Dans 10 ans, honnêtement, je n’en ai aucune idée. J’ai tendance à vivre au mois le mois, à avancer projet par projet, sans trop savoir ce que je vais faire dans l’année à venir. Mes envies changent, mes idées évoluent, et c’est difficile pour moi de me projeter aussi loin. Je préfère me concentrer sur le moment présent et voir où la vie me mène. Il y aura sûrement d’autres passions, d’autres projets qui surgiront ! Cela dit, je veux que TeamMadame continue d’évoluer avec moi. C’est comme mon petit bébé, tu sais. J’espère qu’il grandira encore, qu’il prendra encore plus d’ampleur avec le temps.

Penser à dans 10 ans, ça me fait un peu peur, je ne te mentirai pas. Est-ce que je ferai encore ce que je fais aujourd’hui ? Peut-être. Est-ce que je serai chroniqueuse dans un grand média ? Peut-être. Est-ce que je pourrais être tout ça à la fois ? Peut-être. Mais ce que j’espère, c’est que d’ici là, on aura vu des avancées pour les femmes, notamment dans notre histoire, parce que c’est vraiment mon cheval de bataille. J’aimerais qu’on accorde enfin aux femmes la place qu’elles méritent dans notre imaginaire collectif.

Q Plus tôt dans l’entrevue, tu m’as parlé d’une petite fille qui t’a demandé si tu étais une princesse. Si elle était devant toi maintenant et qu’elle te demandait un conseil sur la vie ou sur autre chose, qu’est-ce que tu aurais envie de lui dire ?

On nous dit toujours d’être tranquilles, de respecter les règles, de faire ce que les autres attendent de nous. Mais moi, je dis qu’il faut briser ces règles-là. En tant que femmes, on nous a imposé tellement de règles. Alors, à cette petite fille, je lui dirais simplement : fais ce que tu veux. Ose. Brise les conventions, même si ça te fait peur. La peur sera toujours là, mais avance avec elle, fais les choses quand même. Fais ce que toi tu as envie de faire et crée ton propre chemin. Pas celui de tes parents. Pas celui de la société. Le tien !

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