Carol-Ann Rouillard, mars 2018
Le 6 février dernier, l’auteure et éditrice Valérie Lefebvre-Faucher, instigatrice du collectif Faire partie du monde : réflexions écoféministes, était de passage à Trois-Rivières, le temps d’une soirée-causerie à la librairie l’Exèdre. Des discussions sur la place du féminisme au sein des mouvements écologistes et les apports de l’écoféminisme à notre société étaient au menu.
Échanges sur la « matantisation du monde »
Après avoir expliqué en quoi consistait l’écoféminisme, Valérie Lefebvre-Faucher a tenu à lire des extraits du livre attribuables à d’autres auteures pour illustrer les visions de chacune. La trentaine de personnes présentes ont ensuite pu échanger avec elle sur les différentes applications de l’écoféminisme autour de nous.
Qu’est-ce que l’écoféminisme ? Si le terme ne trouve pas de définition unique, selon l’auteure, il n’en demeure pas moins que les écoféministes ont certains points communs, dont la reconnaissance d’un continuum des oppressions, telles que le racisme, le patriarcat, l’âgisme, le colonialisme et le capacitisme. Ainsi, une personne peut vivre plus d’une forme d’oppression en même temps. Les écoféministes refusent également d’établir une priorité entre les luttes féministes et les luttes écologistes puisqu’elles considèrent que les deux sont liées.
Selon Valérie, l’exemple le plus éloquent des apports potentiels de l’écoféminisme est celui des grands projets de développement d’infrastructures au sujet desquels les promoteurs sont les principales personnes à s’exprimer. L’approche écoféministe insiste sur l’importance d’écouter et de reconnaitre l’expertise des gens du milieu qui devront composer avec leurs impacts au quotidien. Plusieurs participantes ont à cet égard exprimé la volonté d’aller au-delà du simple calcul financier dans la prise de décisions.
L’auteure plaide d’ailleurs pour une « matantisation du monde » afin que le fait de s’intéresser au vécu des autres et de prendre soin des gens soit vu comme une qualité qui va de soi pour les femmes et les hommes plutôt que comme un signe de faiblesse et un facteur de baisse de productivité.
Rassembler les femmes sur la question
Valérie Lefebvre-Gaucher est également éditrice pour la maison d’édition féministe Remue-Ménage et travaillait auparavant aux Éditions Écosociété. Elle est donc bien au fait des enjeux auxquels sont confrontés les groupes féministes et les groupes écologistes. Il reste toutefois inhabituel de voir une éditrice être elle-même à l’origine d’un projet de livre. Pourquoi avoir rassemblé ces femmes autour de ce projet ? « Depuis longtemps, je souhaitais montrer aux femmes, souvent occupées et isolées dans leurs mouvements écolos respectifs, qu’elles ne sont pas seules », explique Valérie. « Beaucoup de femmes ont de la difficulté à faire valoir leur perspective féministe et trop de femmes sont laissées de côté au sein des mouvements écologistes », ajoute-t-elle.
Si l’urgence d’agir pour sauver la planète est souvent invoquée pour justifier la mise de côté temporaire des valeurs d’égalité prônées par le féminisme, Valérie croit que l’on n’a pas à choisir entre les deux. « La vision féministe est aussi importante, car les domaines associés aux femmes, tels que l’apport en eau et l’agriculture, sont les principaux touchés lors d’une catastrophe. Il y a également des gens à guérir et à soigner. Cela prend du temps et les femmes sont souvent responsables des soins apportés aux autres », insiste Valérie.
Aux femmes qui seraient partagées entre militantisme féministe et militantisme écologiste, ou entre « faire son pain à la maison et militer comme féministe », Valérie appelle à la souplesse : « Il faut accepter de ne pas être parfaite ! ».