Les républicains anti-Trump
Le mouvement républicain anti-Trump n’est pas nouveau. En 2020, le regroupement Republican Accountability voit le jour. Devenu le Republican Accountability Project en janvier 2021, son but est de défendre la pensée républicaine et de dénoncer celles et ceux qui ont attaqué le Capitol le 6 janvier 2021. Les supporteurs d’une allégeance républicaine anti-Trump ont un site internet – Republican voters against Trump [3] – qui présente nombre de témoignages et d’arguments pour convaincre que voter contre Donald Trump n’est pas un acte anti-républicain.
Dans le dernier droit de la course à la présidence, l’offensive démocrate mise sur la mobilisation des indécis – si tant est qu’une telle hésitation est concevable – et des républicains qui ne se retrouvent plus dans les propositions trumpiennes. Pour nombre de ces républicains anti-Trump, il est clair que l’ambition idéologique du candidat républicain est difficilement conciliable avec la vision d’une Amérique aspirant à rester la plus grande démocratie du monde. [4]
Le pari de la bande à Harris est de mobiliser ces anti-Trump républicains en leur présentant des personnalités à qui s’identifier politiquement et qui n’hésitent pas à clamer que voter pour Harris en 2024 ce n’est pas devenir démocrate. C’est, au contraire, affirmer son allégeance républicaine en restant fidèle à la Constitution et en protégeant son pays.
SOS GOP
Le Parti républicain, aussi appelé GOP (Grand Old Party), est devenu la semaine dernière en particulier, un filon quasi intarissable d’anti-Trump affichés et de haut niveau :
- George W. Bush, 43e président des État-Unis;
- Mitt Romney, sénateur de l’Utah;
- Mike Pence, vice-président des États-Unis sous Donald Trump;
- Liz Cheney, ancienne représentante du Wyoming pendant six ans et qui a été la co-présidente de la commission d’enquête sur Donald Trump;
- Dick Cheney, secrétaire à la défense sous George H.W. Bush (41e président des États-Unis) et vice-président sous George W. Bush;
- John Bolton, conseiller à la sécurité nationale sous Trump;
- Stephany Grisham, porte-parole de la Maison blanche sous Trump;
- Cassidy Hutchinson, assistante du chef de cabinet Mark Meadows, qui a témoigné devant la commission enquêtant sur Trump;
- …
Ces noms, parmi les plus connus, ne sont qu’une petite partie d’une longue liste [5] de gens de pouvoir républicains qui défient Donald Trump. Mais ce qui a fait le plus de bruit, médiatiquement, ce sont les déclarations de John F. Kelly, général à la retraite de la marine américaine et chef de cabinet sous Trump entre 2017 et 2019. Lors d’entrevues avec The New York Times et The Atlantic, Kelly a rapporté des propos de Trump à l’effet qu’il aimerait avoir des généraux comme ceux de Hitler et que Hitler a aussi fait de bonnes choses. Kelly a aussi affirmé que, selon lui, Trump satisfait à la définition de ce qu’est un fasciste et qu’il aimerait bien devenir un dictateur.
Et Kelly a des supporteurs. [6] Kamala Harris arrive en première position, elle qui a déclaré sans la moindre hésitation, lors d’une séance publique de questions, que oui, Trump est un fasciste. Elle ne cesse, depuis plusieurs jours, de le répéter à qui veut l’entendre. La campagne démocrate prend désormais un tournant un peu moins joyeux.
Mais le problème est peut-être là. Harris et tous les autres sont certes de très gros noms. Mais est-ce que cela fera une différence? Obama était dans l’action : Yes we can ! Harris semble davantage dans les idées et les émotions. Elle prêche à des convertis (tout comme Trump), et pour les autres, le mot « fasciste » est une notion qui n’a pas toujours le sens réel qu’il devrait avoir. Ce mot est tellement utilisé, depuis tellement longtemps (incluant la recrudescence de cette semaine), qu’une accoutumance s’est développée. À force de la répéter, cette épithète devient un son sans sens.
On peut l’espérer, mais il n’est pas acquis que cette réorganisation de l’offensive contre Trump réussira à avoir un effet significatif sur le recrutement d’électeurs républicains anti-Trump.
Le vote par anticipation
En 2020, le vote anticipé et par la poste a, semble-t-il, été favorable aux démocrates. Les règles de dépouillement des votes diffèrent d’un état à l’autre, ceux-ci, et non le gouvernement fédéral, en ayant la responsabilité. Dans certains états, la Pennsylvanie et le Wisconsin par exemple, les votes par la poste ne peuvent être comptés avant la journée de l’élection. Et en 2020, ces votes étaient davantage favorables aux démocrates. Certains états ont donc vu une avance des républicains fondre au fur et à mesure que les votes anticipés et par la poste étaient dépouillés et comptés. Difficile de dire si cette année offrira un scénario semblable, mais pour l’instant, ces votes anticipés et par la poste seront très nombreux, vraisemblablement plus qu’en 2020 qui avait été une année record.
Intentions de vote nationales
La course est plus serrée qu’elle ne l’a été depuis longtemps. À 8 jours des élections, c’est toujours l’impasse (dans les états clés aussi). Pour 538, La dernière fois que l’écart entre les deux partis était aussi faible date du tout début du mois d’août; même chose pour RCP.
Retour sur les états pivots
À titre informatif, juste avant la date des élections présidentielles de 2020, l’avance moyenne de Biden sur Trump, au vote populaire, était de 8,2 points de pourcentage (moyenne des données provenant de 538, RCP et 270 To Win). Selon cet indicateur seulement, la situation semblait bien plus avantageuse pour le candidat démocrate. Et Biden avait remporté 306 des 538 grands électeurs pour, à première vue, gagner facilement l’élection. Mais à deuxième vue, les résultats ont été beaucoup plus serrés dans les états pivots, certains de ceux-ci étant remportés par les démocrates grâce à quelques milliers de votes favorables seulement.
Pour la majorité des états autres que les états pivots, il n’y a pas vraiment de course. Il est admis que les états comme le Wyoming, le Kansas, le Texas ou encore la Caroline du Sud sont des fiefs républicains imprenables par les démocrates dans l’état actuel des choses. Par ailleurs, des états tels que la Californie, New York, l’Oregon, et nombre de plus petits états de la Côte Est sont acquis aux démocrates.
Il reste, pour cette année, les états pivots que sont la Pennsylvanie, le Michigan, le Wisconsin, la Caroline du Nord, la Georgie, l’Arizona et le Nevada. Les graphiques ci-dessus laissent bien voir … qu’il n’y a pas grand-chose à voir. Après quelques soubresauts laissant croire qu’un ou l’autre des partis se distançait, tout ce qui reste de crédible maintenant est que, non, rien de rien, nous n’en déduirons rien.
Comparaison avec 2020
Mais on peut tout de même tenter de voir comment la tendance de cette année se compare avec celle des élections de 2020 (Biden / Trump). Le premier constat est que pour les mêmes états que les états pivots de cette année, l’avance des démocrates dans les sondages semblait somme tout beaucoup plus confortable en 2020 qu’en 2024, sauf peut-être pour la Caroline du Nord, la Georgie et l’Arizona.
Deuxième constat : les avantages consentis aux démocrates par les sondages de fin de campagne (une semaine avant l’élection) en 2020 ne se sont pas concrétisés. La Pennsylvanie, le Michigan, le Wisconsin et le Nevada jouissaient tous d’une avance pour le moins rassurante selon les sondages, mais pour ces quatre états tout de même remportés par les démocrates, les marges finales leur donnant la victoire ont été dramatiquement plus minces que ce qui était prévu.
Que peut-on en déduire? Une première explication pourrait être que les républicains ont été plus nombreux à voter que prévu. La deuxième possibilité est la prime à l’urne qui aurait avantagé les républicains : ceux-ci n’auraient pas forcément été plus nombreux que prévu à se présenter aux urnes, mais leurs intentions mesurées par les sondages ont mal évalué la tendance réelle du vote. Autrement dit, une portion signification d’électeurs républicains n’ont pas dit aux sondeurs qu’ils voteraient pour ce parti.
Pendant la dernière semaine…
Pour les sept états pivots, aucun écart significatif ne permet d’accorder à un parti ou à l’autre a un avantage concret pour la présidentielle de 2024. Il reste une semaine et rien n’exclut qu’un événement ou une déclaration n’influence les intentions de vote. Nous en avons eu quelques exemples au cours de la dernière semaine :
- nouvelle accusation d’agression sexuelle contre Trump;
- conversations secrètes entre Trump et Vladimir Poutine, avec Elon Musk qui en fait tout autant depuis 2022, selon le Wall Street Journal;
- Israël qui attaque l’Iran en riposte à l’attaque iranienne d’il y a quelques semaines;
- le changement de stratégie du camp Harris – le happy ticket Harris / Walz qui tente de devenir un mean ticket – ne semble pas rapporter les dividendes espérés.
Pour clore la semaine, un rassemblement de Trump au Madison Square Garden à New York, le dimanche 27 octobre 2024, a fait des vagues. Certains voient cet événement comme une provocation parce que cette même enceinte avait donné lieu, en 1939, à un rassemblement pronazi et à un rassemblement communiste. Et comme on le sait, Trump déteste les communistes, mais pour ce qui est des nazis… Bien sûr, Hulk Hogan a bien dit qu’il ne voyait aucun nazi dans la place !
Sources
[1] https://projects.fivethirtyeight.com/polls/
[2] https://www.realclearpolling.com/
[4] Vision qui n’est pas forcément partagée de tous.
[5] https://www.cbsnews.com/news/republicans-endorsing-kamala-harris-2024/), https://en.wikipedia.org/wiki/List_of_Republicans_who_oppose_the_Donald_Trump_2024_presidential_campaign
[6] https://www.politico.com/news/2024/10/25/never-trump-former-officials-back-kelly-warning-00185435