On le sait, nos services publics battent de l’aile en raison d’un sous-financement chronique. Alors que les Premiers ministres des provinces évaluaient les besoins additionnels en matière de santé à 280 milliards $ sur dix ans, Ottawa, prétextant des contraintes budgétaires, n’a consenti qu’une fraction de cette somme, soit 46,2 milliards $. Comment expliquer qu’on peine à financer convenablement des services publics essentiels pour la population alors qu’explosent les budgets consentis aux « besoins » croissants des militaires?
Tentons d’y voir clair en examinant de plus près trois éléments qui influenceront à la hausse les dépenses militaires du Canada et détourneront du trésor public des sommes qui pourraient plutôt servir au maintien, voire au développement, de nos services publics.
Les pressions de l’OTAN
Avant même la perspective d’une invasion de l’Ukraine par la Russie, l’ex-président Donald Trump critiquait les pays membres de l’OTAN dont les dépenses militaires ne rencontraient pas la cible de 2 % de leur PIB (produit intérieur brut). L’invasion russe en Ukraine a bien sûr ajouté à cette pression, faisant en sorte que même les pays les plus réfractaires à une hausse de leur budget militaire envisagent dorénavant de très fortes augmentations. Plus encore, l’OTAN considère dorénavant que le chiffre de 2 % n’est plus un plafond, mais un seuil minimum.
Bien sûr, le Canada n’échappe pas à ces pressions. Jusqu’en 2014, il consacrait environ 1 % de son PIB aux dépenses militaires, soit 20 milliards $. Pour l’année budgétaire en cours (2022-2023), c’est 36,3 milliards $ qu’Ottawa consacre aux dépenses militaires, ce qui représente 1,33 % du PIB. Et selon les prévisions du Directeur parlementaire du budget (DPB), le budget militaire canadien devrait atteindre 51 milliards $ pour l’année budgétaire 2026-27 ce qui représenterait 1,59 % du PIB. En dollars, il s’agirait d’une augmentation de budget de 155 % par rapport à 2014.
Des avions F-35 à 113 millions $ chacun
Le Canada signait en décembre 2022 un coûteux contrat avec la société Lockheed-Martin pour l’acquisition de
88 chasseurs furtifs F-35. Ce contrat de 19 milliards $ comprend les 88 avions à 113 millions $ chacun, de l’armement et des infrastructures notamment. La durée de vie utile de ces appareils (30 ans) devrait cependant entraîner des coûts totaux s’élevant à 70 milliards $, ce qui représente donc 795 millions $ par appareil. De plus, on estime à environ 56 000 $ par heure le coût d’utilisation d’un F-35. Comme le secteur militaire dans
son ensemble, l’empreinte carbone de cet appareil est très importante. Le F-35 a en effet besoin de pas moins de 5600 litres de carburant pour un plein. Remplir une seule fois le réservoir de ces 88 avions brûle 2 464 tonnes de CO2, ce qui constitue l’équivalent des émissions de CO2 annuelles de 164 Canadiens.
Des navires de guerre à 5,6 milliards $ chacun
En 2008, le gouvernement fédéral lançait un programme pour la construction de 15 navires militaires de type destroyers afin de remplacer la flotte actuelle. Le budget initialement prévu de 26,2 milliards $ a depuis été multiplié par trois pour atteindre 84,5 milliards $, soit 5,6 milliards $ par navire, selon le Directeur parlementaire du budget (DPB). Celui-ci prévoit aussi des coûts totaux de 306 milliards $ pour leur durée de vie utile de 65 ans. Au final, cela représente donc pas moins de 20 milliards $ par destroyer.