Stéphanie Dufresne – Environnement – décembre 2021 

Certains biens de consommation sont conçus pour ne pas être réparés. Ces objets à courte durée de vie deviennent rapidement des déchets, aux perspectives de recyclage limitées. Pour pallier ce problème, des gouvernements légifèrent.  

Lorsque la batterie du téléphone cellulaire est fatiguée, que la fermeture éclair du manteau est brisée ou que la cafetière fait des siennes, notre premier réflexe est généralement d’acheter un objet neuf en remplacement. De fait, plus des trois quarts (76 %) des Canadiens sondés ont jeté ou remplacé un appareil cassé en raison d’un problème réparable comme un écran fissuré ou une batterie faible/morte.

Stratagèmes manufacturiers

Sans encadrement, certains fabricants usent de stratagèmes pour restreindre l’habileté des consommateurs à réparer eux-mêmes leurs biens. Par exemple, sur des appareils électroniques, ils utilisent des écrous et des boulons nécessitant des outils spécialisés. D’autres composantes sont collées ou soudées, ce qui les rend indémontables.  Les consommateurs sont alors obligés de faire appel aux réseaux de réparations des fabricants, ou à remplacer les produits avant la fin de leur vie utile. De même, des mises à jour peuvent rendre dysfonctionnel un produit informatique, et forcer son remplacement.

La réparation permet de réduire les déchets et l’utilisation de matières premières. Elle pourrait aussi contribuer directement à réduire les gaz à effet de serre (GES). Photo : Dominic Bérubé.

Ces pratiques, dites « d’obsolescence programmée » ont été exposées au grand jour par la Commission fédérale du commerce des États-Unis (Federal Trade Commission), dans un rapport récent. Le président américain Joe Biden a signé, en juillet dernier, un décret visant à les encadrer. Cette décision a motivé le géant des technologies Apple, à offrir, dès 2022, un service qui permet à ses utilisateurs d’acheter en ligne les pièces nécessaires pour réparer eux-mêmes leur iPhone.

Produire moins, polluer moins

La réparation permet de réduire les déchets et l’utilisation de matières premières. Mais elle pourrait aussi contribuer directement à réduire les gaz à effet de serre (GES) émis par le transport des marchandises. Selon l’inventaire québécois d’émissions des GES, 36 % des émissions du transport découlent au camionnage. Une large part de celui-ci sert au transport des marchandises.

« Que ce soit par l’évitement du transport personnel pour se rendre à un magasin, du transport des marchandises acheminées aux centres de distribution ou encore les émissions générées lors de la production des objets, la [réparation] permet de réduire des GES » estime Lauréanne Daneau, directrice générale d’Environnement Mauricie. Pour sensibiliser à ce gaspillage, l’organisme organise un événement annuel de réparation et met à la disposition des citoyens un bottin des réparateurs de la région.

En plus des bénéfices environnementaux, la mise en marché de biens durables et réparables aurait « un impact significatif sur le pouvoir d’achat et la réduction de l’endettement de la population », souligne Équiterre dans un mémoire déposé au BAPE cette année. L’organisme croit aussi que la filière de la réparation pourrait devenir un moteur économique régional, puisqu’elle constitue « une réelle opportunité de développer une expertise en matière de réparation à l’échelle locale, notamment avec un réseau de réparateurs certifiés. »

Interdire l’irréparabilité au Québec ?

« Légiférer sur le droit à la réparation des objets présenterait des avantages économiques pour les consommateurs », explique Sébastien Bois, intervenant en défense des droits au Service d’aide au consommateur de la Mauricie. « La réparabilité permet aussi un meilleur respect de la garantie légale des objets en donnant un accès à des pièces de remplacement », ajoute-t-il.

En France, l’obsolescence programmée est une infraction pénale depuis 2015. Les Suédois, pour leur part, bénéficient d’une réduction de taxes de 50 % sur les services de réparation. L’Union européenne a adopté cette année diverses mesures en matière « d’écoconception » des objets.

Au Québec, l’Assemblée nationale a entériné le 13 avril 2021, l’adoption du principe du projet de loi n° 197, Loi modifiant la Loi sur la protection du consommateur afin de lutter contre l’obsolescence programmée et de faire valoir le droit à la réparation des biens. Celui-ci visait notamment à obliger l’affichage d’une cote de durabilité sur les appareils domestiques. Il comprenait l’instauration de mesures pour faire valoir le droit à la réparation. Il reconnaissait aussi l’obsolescence programmée comme une infraction. Ce projet de loi n’a toutefois pas été adopté. L’Office de la protection des consommateurs a cependant tenu des consultations à ce sujet. Selon nos sources, un nouveau projet de loi serait en préparation.

Au fédéral, le droit à la réparation faisait partie du programme électoral du parti libéral. Celui-ci a promis notamment d’obliger les fabricants à fournir des manuels et des pièces de réparation. Il s’est engagé à offrir un crédit d’impôt de 15 % sur les coûts de réparation d’appareils électroménagers.

 

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