Un texte de Daniel Landry
En cette fin d’année 2024, les progressistes se réveillent avec une sévère « gueule de bois », c’est le moins qu’on puisse dire. Cette année ne passera certainement pas à l’histoire comme une période de progrès des droits humains, des luttes climatiques ou des revendications pour la paix. Il suffit de rappeler que la Russie assaille l’Ukraine depuis février 2022. Qu’Israël terrasse Gaza par des bombardements répétés et joue au pyromane avec l’Iran. Que les Américain-es ont réélu un Donal Trump à la Maison-Blanche, lui donnant carte blanche au Congrès pour au moins deux ans (2025-2027). Que les plus grands enjeux éthiques de notre siècle – pensons à l’essor de l’intelligence artificielle – sont gérés par de cupides libertarien-nes. Qu’un conservatisme politique et moral ouvre la voie à des formes nouvelles de racisme et de misogynie. Enfin, que du côté environnemental, les épisodes d’événements extrêmes se multiplient au même rythme que les arguments des climatosceptiques.
Quiconque défend une posture progressiste pourrait rapidement se décourager et sombrer dans le cynisme et l’inaction face à ce tableau désolant. Pourquoi ne pas baisser les bras face aux défis gigantesques qui accompagnent cette conjoncture ? À vrai dire, il s’agit d’une option à considérer, très certainement. Pourtant, l’heure est peut-être davantage à la critique et, plus que jamais, à l’action.
D’abord la critique. Depuis des années, les États échouent lamentablement à régler les injustices de notre siècle, et ce, même quand des gouvernements soi-disant de gauche sont placés au pouvoir. Au Québec, par exemple, les réseaux publics de santé et d’éducation s’effritent au point de devenir plus ségrégationnistes que jamais et les seules solutions proposées reposent constamment sur un recours à la nouvelle gestion publique et au privé. Aux États-Unis, même les gouvernements démocrates, de Clinton à Biden en passant par Obama, ont très peu fait pour les urgences de notre époque, notamment les écarts de richesse et les changements climatiques. Au fond, le trumpisme et ses avatars ne constituent aujourd’hui qu’une réponse triviale à quatre décennies de néolibéralisme et d’affaiblissement des pouvoirs publics en pleine crise de légitimité et d’efficacité. Du reste, il n’est pas étonnant que les classes ouvrières soient de plus en plus séduites par une droite conservatrice d’allure pragmatique et enclines à voter pour elle.
Ensuite l’action. Après la gueule de bois de 2024, il est peut-être temps de se sevrer de la pensée magique qui prétend que la gauche vaincra sans déranger quiconque ou sans luttes collectives et solidaires. Plutôt que de se suicider politiquement, la gauche doit plus que jamais se redéfinir et préparer la suite. Cela implique de dépasser les particularismes qui empêchent parfois les militant-es de discuter. Cela implique aussi une gauche plus inclusive, sans les fractures géographiques, générationnelles, de classe ou de genre. Enfin, cela présuppose l’abandon d’une pensée dogmatique et inflexible semblable à une ligne de parti, ce qui freine parfois le dialogue entre les gauches et nuit à la prise en compte des préoccupations de ceux et celles qui sont laissé-es pour compte. Ultimement, la gauche devra déranger plus qu’elle ne le fait maintenant : descendre dans la rue pour défendre les opprimé-es du système, lutter férocement contre le consumérisme et le dogme de la croissance, se réapproprier les pouvoirs locaux et exiger de la part des formations politiques des engagements fermes en matière d’éducation, de féminisme et d’environnement, entre autres priorités.
La « cuite » démocrate états-unienne du 5 novembre dernier forcera plusieurs remises en question dans ce pays. Souhaitons que ces questionnements soient contagieux au-delà de la frontière, car les défis de 2025 ne seront pas de moindre importance que ceux de 2024.