Cinq ans après la réforme de la Loi sur la qualité de l’environnement, l’article 118.5, qui prévoit la création d’un registre public pour faciliter l’accès à l’information relative aux autorisations environnementales n’est toujours pas en vigueur.
Si un projet qui touche directement votre environnement immédiat et votre qualité de vie se préparait près de chez vous, le sauriez-vous à temps pour pouvoir faire part de vos préoccupations au promoteur et aux gouvernements avant l’octroi des autorisations ?
Dans le dossier de la triple porcherie de Saint-Adelphe, les citoyen(ne)s et leur voisinage ont appris l’existence du projet en septembre 2021 lorsqu’ils ont reçu une invitation à une séance d’information municipale. À cette occasion, le promoteur a présenté son projet devant une salle abasourdie de réaliser que ce dernier avait déjà en main, depuis plusieurs mois, toutes les autorisations environnementales pour aller de l’avant.
Sans être ébruitée, la demande d’autorisation avait été soumise au ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques 18 mois plus tôt, en avril 2020. Mais cette démarche était passée inaperçue.
Un registre qui se fait attendre
« Il n’y a actuellement pas de mécanisme qui permet aux municipalités et aux citoyen(ne)s d’avoir connaissance d’un projet dès qu’une demande est déposée auprès du ministère de l’Environnement », explique Anne-Sophie Doré, avocate au Centre québécois du droit de l’environnement (CQDE).
Madame Doré précise qu’il est possible de voir une liste des autorisations en cherchant sur le site Internet du ministère. Toutefois, afin d’obtenir des renseignements plus détaillés sur ces dernières, il faut passer par le processus de demande d’accès à l’information.
Or, l’un des objectifs de la réforme de la Loi sur la qualité de l’environnement (LQE) en 2017 était d’améliorer l’accès à l’information pour le public, souligne le CQDE. Un mécanisme permettant la divulgation des documents relatifs aux autorisations par le biais d’un registre public sur le site Internet du ministère est même prévu à l’article 118.5. Paradoxalement, il s’agit du seul article de la LQE qui n’est pas encore entré en vigueur, et ce, cinq ans après la réforme de la loi.
S’il était mis en application, la population aurait accès à l’ensemble des documents et renseignements (description de l’activité, description et source des contaminants, autorisation ministérielle) sur le site Internet du ministère.
Le défi de savoir ce qui se passe
Le processus de demande d’accès à l’information est relativement complexe : il faut écrire une lettre au ministère et demander des documents précis dont les citoyen(ne)s ne connaissent parfois pas l’existence. Cette démarche rend ardu et opaque l’accès à l’information sur les autorisations environnementales.
Dans la région, des participants à la consultation sur le drainage de milieux humides en vue d’un développement industriel au Carrefour 40-55 à Trois-Rivières ont déploré le manque de transparence dans l’accès aux documents. « Il est aberrant que, comme citoyen, on doive avoir recours à la Loi d’accès à l’information pour demander à voir des certificats d’autorisation exigés par la Ville et émis par notre gouvernement », a déclaré le citoyen Philippe Duhamel. « On doit avoir toute l’information pour pouvoir jouer notre rôle de chien de garde de notre ville et du bien commun. »
Par ailleurs, ces citoyens ont dû débourser 100 $ de frais administratifs pour obtenir l’information par la Ville. Ces frais auraient été évités si les documents étaient disponibles sur un registre public en ligne.
« La crise liée à la COVID-19 démontre l’importance, pour assurer l’adhésion de tous les secteurs de la société, que la population puisse avoir un accès à de l’information de qualité qui lui permette de se sentir impliquée et d’agir activement pour protéger sa santé et son environnement », écrit le CQDE dans une lettre adressée au premier ministre. Le registre public prévu à l’article 118.5 « permettrait à tous les acteurs d’avoir l’information sur ce qui se déroule ou ce qui est projeté sur le territoire. C’est également une pièce essentielle de la loi », fait valoir Anne-Sophie Doré.
À l’ère des changements climatiques et de l’effondrement de la biodiversité, faudra-t-il que la population mène un autre combat social pour obtenir un accès transparent à l’information en matière d’environnement?