Craindre l’autre parce qu’il est différent : couleur de peau, religion, mode de vie, langue. Le craindre en raison de sa propre ignorance ou de son incapacité à faire preuve d’empathie. N’est-ce pas là la définition même de la xénophobie?
L’actualité est remplie d’exemples d’attitudes ou de comportements xénophobes par lesquels des individus sont réduits à un état de sous-humains. Par désir d’homogénéité, ou par simple insécurité maladive, on exclut l’autre. On fait subir des torts irréparables à des populations entières. Qu’il s’agisse des politiques migratoires restrictives à la frontière États-Unis-Mexique, de la construction de la barrière de séparation israélienne, de la ghettoïsation de populations migrantes ou encore de la montée de l’extrême-droite un peu partout en Occident, la xénophobie représente sans conteste la source d’une foule d’injustices sociales, politiques et économiques.
Si la problématique semble s’aggraver, c’est aussi que les migrants qui cognent aux portes des pays dits développés (notamment le Canada ou les États-Unis) sont ceux-là même à qui l’on fait subir les contrecoups des excès capitalistes depuis des décennies, a fortiori depuis la montée du conservatisme néolibéral des années 1980. De même, la situation géopolitique des années 2020 exacerbe encore davantage la situation.
Disons les choses en toute transparence : rares sont les immigrants qui quittent leur pays par « goût de l’aventure! ». Même les immigrants économiques choisissent souvent l’exode à contrecœur, afin d’offrir de meilleures conditions de vie à leurs enfants. Dans les faits, ce sont les guerres, la pauvreté et la détérioration des écosystèmes qui poussent des millions d’êtres humains à se déraciner chaque année. Selon le UNHCR, ce sont plus de 89 millions de personnes qui ont été forcées de se déplacer pour l’année 2021 seulement, incluant 40 % d’enfants.
Reconnaître le problème de la xénophobie constitue sans doute le premier pas d’une solution à long terme. Sonia Shah, autrice de Migrations (Écosociété, 2022), rappelle d’ailleurs que « l’impulsion primitive qui nous pousse à nous méfier des gens d’ailleurs persiste, profondément ancrée dans la psyché collective. » Elle mentionne que cette « crainte de l’autre » a historiquement pu jouer un rôle salvateur dans l’évolution de l’espèce humaine, ne serait-ce que pour se protéger contre des agents pathogènes venus d’ailleurs. Aujourd’hui, en revanche, force est de constater que cette xénophobie constitue la source même de dérives dévastatrices.
Le Canada s’en sort mieux que d’autres pays. Il a répondu présent à la suite du tremblement de terre à Haïti en 2010, ou encore en 2015 lors de la crise syrienne. Tout de même, l’actualité nous rattrape. Lors du passage du président Biden au Canada (mars 2023), le gouvernement Trudeau en est arrivé à une entente sur les tiers pays sûrs, fermant le chemin Roxham tel que demandé par le gouvernement du Québec depuis plusieurs années, sans pour autant trouver une solution durable à l’immigration irrégulière. Quelques jours plus tard, deux familles migrantes – l’une roumaine, l’autre indienne – perdaient la vie lors d’un drame à Akwesasne après avoir tenté de traverser la frontière.
Ces deux événements rappellent la gravité de la situation. Il rappelle que le pays doit poursuivre et améliorer des politiques d’accueil de réfugiés lors de crises internationales, mais aussi qu’il doit continuer d’assumer ses responsabilités, voire en faire davantage. Qui plus est, le Canada peut contribuer à réduire la fréquence et l’intensité de telles crises en investissant davantage dans l’aide au développement (à 0,3 % du PIB, nous sommes bien loin de la cible de 0,7 % de l’OCDE), en jouant un rôle diplomatique proactif dans la résolution des conflits et en favorisant massivement des politiques environnementales progressistes. Seules de telles initiatives feraient du Canada un véritable leader dans la lutte à la xénophobie.