Alice Grinand – Comité de solidarité de Trois-Rivières – mai 2020
La précarité économique dans laquelle se situent plus souvent les femmes risque d’être fortement accentuée par la crise sanitaire.
La crise sanitaire provoquée par la COVID-19 frappe d’autant plus violemment que, partout dans le monde, les systèmes publics de santé ont souffert de politiques d’austérité. Des politiques qui renforcent en tout temps les inégalités, notamment celle de genre, mais particulièrement en ces temps incertains. Grand révélateur des inégalités sociales, la pandémie met ainsi également l’accent sur ces inégalités entre les femmes et les hommes.
Selon des estimations du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), si le confinement se poursuit pendant 6 mois, plus de 47 millions de femmes pourraient ne plus avoir accès à des contraceptifs, provocant 7 millions de grossesses non désirées. L’interruption de programmes pour endiguer les mutilations génitales féminines pourrait causer 2 millions de ces mutilations qui auraient été sinon évitées.
Souvent par ré-allocation des ressources vers l’urgence de la COVID, certains gouvernements ne se sont néanmoins pas embarrassés d’une quelconque gêne à essayer de démanteler les acquis sociaux des femmes parfois obtenus de longue haleine. Par exemple, certains pays ont tenté de restreindre l’accès des femmes à l’interruption volontaire de grossesse (IVG), comme le Parlement polonais, qui a finalement renoncé, au moins temporairement. D’autres, comme certains États aux États-Unis, ont considéré l’avortement comme un service non-essentiel.
Les efforts se concentrent donc sur la lutte contre la pandémie. Et là encore, les inégalités de genre sont renforcées. Les métiers liés aux soins sont, au niveau mondial, à 70% assurés par des femmes, selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). En outre, dans de nombreuses autres professions considérées comme essentielles lors de cette crise sanitaire, dans l’entretien ménager, les épiceries ou les pharmacies par exemple, les femmes sont sur-représentées.
En temps normal, les femmes consacrent trois fois plus de temps que les hommes aux tâches domestiques. L’ONU a estimé que ces activités, non-rémunérées et considérées comme invisibles, représentent 25 % du PIB au Costa Rica. À l’heure de la pandémie, le double fardeau des femmes se fait encore plus lourd, alors qu’il faut souvent trouver une solution pour s’occuper des enfants qui ne sont plus à l’école, et que les repas à la maison se sont démultipliés. Les femmes sont majoritaires dans les foyers monoparentaux, tandis que, dans les foyers où les deux parents sont présents, il est difficile de croire que la COVID permette un partage des tâches plus équitable.
Cette inégale répartition s’explique par des normes sociales, mais aussi par rationalité économique. Les femmes sont plus nombreuses à disposer d’un emploi à temps partiel, ou d’un emploi moins bien rémunéré que leur conjoint. Cette précarité économique dans laquelle se situent plus souvent les femmes risque d’être fortement accentuée par la crise sanitaire.
Cette dépendance économique peut en outre enfermer les femmes dans le cercle de la violence conjugale. Le confinement oblige de nombreuses femmes à être cloîtrées (et d’autant plus isolées), avec l’auteur de ces violences. Ces violences peuvent de plus s’amplifier par le stress que peut causer cette crise sanitaire, économique et sociale. Pour prévenir ces violences domestiques, l’Afrique du Sud a, par exemple, mis en place un confinement « sec », en interdisant les ventes d’alcool. La diminution de ces violences dans le pays reste néanmoins à prouver. Aux quatre coins du monde, les signalements auprès des numéros dédiés se sont multipliés. Selon le FNUAP, un confinement de 6 mois pourrait augmenter de 31 millions le nombre de victimes de violence basée sur le genre.
Pour de nombreuses voix, cette crise sanitaire n’est qu’un avant-goût de la crise climatique qui nous attend, qui touchera également plus directement les femmes. Toujours à transiger avec les pots cassés des décisions politiques, leur participation aux débats est pourtant limitée : ainsi, en 2019, moins de 25 % des parlementaires dans le monde étaient des femmes. L’Allemagne, Taiwan ou la Nouvelle-Zélande semblent s’en sortir relativement bien face à cette pandémie. Trois pays dirigés par des femmes.