Un texte de Ruth Charbonneau, intervenante psychosociale

Dans les films, lorsqu’il est question d’agression sexuelle, c’est toujours le même scénario. On nous présente une victime fragile, bouleversée, qui crie et tente de se défendre face à un agresseur menaçant et sombre, dans une ruelle sale et mal éclairée. Dans la vraie vie, la réalité est tout autre. 

Le mythe de la victime parfaite

Ensemble, décortiquons un mythe qui persiste depuis bien trop longtemps et qui fait des ravages dans la manière dont sont perçues les personnes survivantes d’agressions à caractère sexuel : celui de la « victime parfaite ». Depuis des lustres, la société, par ses standards, impose aux personnes victimes d’entrer dans un certain cadre afin d’avoir le « privilège » d’être entendues et crues. Pour être considérées comme « crédibles », ces personnes doivent être émotives (mais pas trop quand même, sinon ça a l’air hystérique), avoir dénoncé l’agression immédiatement après l’incident, avoir crié et lutté contre la personne qui agressait, avoir une moralité irréprochable (ne pas avoir bu ni consommé de drogue, ne pas avoir porté des vêtements trop osés), etc. 

Le problème avec ce mythe

Le problème avec l’idée de la victime parfaite est que cela entraine, dans la majorité des cas, un fort sentiment de culpabilité chez les victimes. La réalité est que chaque réaction à une agression est unique et valide. En aucun cas il ne devrait être question de « bien réagir » ; il s’agit d’actes de violence qui laissent des marques, des cicatrices, et chaque personne devrait être accueillie selon sa réalité propre. 

Mais il y a plus encore, parce que ce mythe laisse sous-entendre que si une victime ne réagit pas de manière « parfaite », elle est en partie responsable de ce qui s’est passé. Lorsqu’on accorde trop d’importance à la réaction de la victime, on détourne notre attention de la personne qui a commis l’agression. Le courant de pensée entourant le mythe de la victime parfaite contribue au maintien d’une sorte de flou moral qui permet aux personnes qui agressent de se déresponsabiliser en disant : « Si c’était si grave, la victime aurait dénoncé l’agression rapidement » ; « Comme la personne ne s’est pas défendue ou n’a pas pleuré, j’ai cru qu’elle aimait ça » ; « La personne était habillée tellement sexy que j’ai cru qu’elle en avait envie », et ainsi de suite. 

Aberrant, n’est-ce pas ? Ce qu’il faut retenir, c’est que ce mythe nous fait oublier que l’unique responsable d’une agression sexuelle, c’est l’agresseur ou l’agresseuse. Et ce, peu importe comment la victime a réagi ou quand elle a décidé de parler. En refusant d’admettre la responsabilité totale de l’agresseur ou l’agresseuse, ce mythe crée un terrain fertile à la propagation de la culture du viol et au maintien de l’oppression sur les victimes. 

Déconstruisons le mythe avec la notion de consentement sexuel 

Le mythe de la victime parfaite impose des critères irréalistes sur la manière dont une victime devrait réagir pour être crue et entendue. Mais ce mythe ne tient pas la route face à un principe fondamental : le consentement sexuel. Mais pourquoi ? Tout simplement parce que le consentement est LE critère qui permet d’établir si un contact ou une relation de nature sexuelle a été voulu ou non. Peu importe si une victime a crié, s’est défendue, a porté plainte tout de suite ou non : si elle n’a pas donné un consentement clair, libre, éclairé et enthousiaste, alors il y a eu agression. Point final.

Reprenons les exemples que nous avons donnés précédemment afin de les déconstruire.

« Elle n’a pas dit non clairement, donc ce n’est pas une agression. »

Faux ! La notion de consentement repose sur la présence d’un OUI clair et enthousiaste. Une victime peut être figée sous le choc de l’agression, paralysée par la peur, incapable de réagir. En aucun cas, si une personne fige ou ne fait rien, cela signifie qu’elle consent, c’est même le contraire ! Une personne qui consent agit avec enthousiasme et répond volontairement et positivement à des avances !

« Elle n’a pas essayé de se défendre, donc elle devait être d’accord. »

Faux ! Pour être valide, le consentement doit être libre. Or, dans une situation où une personne a peur, est en état de choc ou sous la domination d’une autre – il est fréquent de voir une personne agressée tomber en mode freeze (sidération). On ne peut consentir quand une personne nous menace, nous harcelle ou si l’on vit quelque forme que ce soit de pression. L’absence de résistance ne témoigne jamais d’un accord. 

« Elle avait bu, elle était habillée sexy, elle flirtait… elle l’a provoqué. »

FAUX, FAUX et encore FAUX ! Le consentement doit être clair, libre, éclairé et enthousiaste. Une personne qui est intoxiquée n’est pas en mesure de donner un consentement valide, puisque qu’elle ne peut prendre une décision en pleine connaissance de cause. Et aucun vêtement, aucun comportement, aucune attitude ne justifie une agression, il s’agit d’une prise de pouvoir de la personne qui agresse.

Remettons la faute là où elle doit être : sur la personne qui a agressé 

Le mythe de la victime parfaite sert souvent à déresponsabiliser des personnes qui ont commis une agression en déplaçant le débat pour qu’il porte sur la réaction de la victime. Il faut que ce soit clair : l’unique responsable d’une agression sexuelle, c’est l’agresseur ou l’agresseuse. 

La seule vraie question à poser est : y avait-il un consentement clair, libre, éclairé et enthousiaste ? Si la réponse est non, alors c’est une agression. Peu importe la suite des événements, peu importe le comportement de la victime. Démolir le mythe de la victime parfaite, c’est rappeler que l’important, ce n’est pas comment la victime réagit, mais ce que l’agresseur ou l’agresseuse a fait. 

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