Au lendemain des élections, il fallait voir les maires de Montréal, de Laval, de Québec ou de Shawinigan multiplier les appels d’air et implorer le premier ministre afin qu’il honore leur cité d’un ministre désigné. À la marée rouge, s’en est suivie une vaste clameur, un cri fort et unanime pour que chacun puisse avoir sa pompe à fric individuelle pour refaire les infrastructures, contrer les péages, ranimer les chantiers navals, accroître les crédits aux entreprises, rouvrir les vannes des égouts collecteurs en direction du fleuve… et le reste. Un ministre, pour les magistrats municipaux, c’est un opérateur financier de haut plan tout entier consacré à booster le développement économique de la ville.
Un tel concert de supplications doit s’apparenter à ce que l’on appelle les vraies affaires. La lutte contre la pauvreté, la réduction des inégalités, la justice sociale, l’évitement des paradis fiscaux, les préoccupations environnementales, très peu pour les maires. En tout cas, au lendemain des élections, aucuns d’eux ne s’est fait entendre sur des enjeux de société comme par exemple l’intégrité gouvernementale, la nécessité de revoir l’exploitation des ressources limitées dans un monde fini ou, mieux encore, sur l’externalisation éhontée des ravages que la grande entreprise cause à l’eau, à l’air et au sol.
Le maire de Trois-Rivières n’est pas en reste avec tout cela. À telle enseigne que les urnes n’avaient pas encore fini d’être décomptées qu’il s’est précipité dans les locaux du candidat libéral pour lui rappeler tout ce que son accession au pouvoir signifiait pour la ville. On le sait, le maire ne manque pas de projets ni d’imagination en matière de développement. Le district 55, et Trois-Rivières-sur-Saint-Laurent coûtent cher. Et puis il faut bien amuser la croisière. Qui sait, après les échafauds vissés sur les parois de l’édificie Loiselle, on pourrait peut-être ériger des glissades d’eau sur l’Amphithéâtre Cogeco ! Pour une fois qu’on a un député du bon bord, on ne s’en privera pas. Ah oui, un député de l’opposition c’est bien sympathique, mais ça ne sert à rien, a pris la peine de répéter, et deux fois plutôt qu’une, monsieur le maire.
Le hic c’est que la virée du maire l’a conduit au mauvais endroit. Il s’est trompé de local. Sur les petites heures du matin son homme s’est fait battre. Mais le mal était fait. Si les autres maires s’étaient gardé une petite gêne sur la diversité de la représentation politique, le maire de Trois-Rivières, lui, a exprimé le fond de sa pensée. La démocratie a tout autant besoin de la diversité d’opinions qu’un poisson a besoin d’un trou dans la tête. Ce qui compte c’est d’avoir la combinaison du coffre. Pas de temps à perdre avec un député de l’opposition.
La nécessité de revoir notre mode de scrutin ne se sera jamais fait ressentir avec une nécessité plus cruelle qu’à l’écoute des différents maires du Québec dans leur virée post-électorale…