Magali Boisvert, avril 2018
Lorsque l’on aborde la question de l’immigration, le sujet qui provoque les plus vifs débats au sein de notre société est celui de l’emploi. Contrairement à ce que certains croient, le processus de reconnaissance des acquis professionnels est souvent semé d’embûches pour les nouveaux arrivants.
Nous remercions Mme Laila Amrani, otorhinolaryngologiste (ORL) à Trois-Rivières, qui a gracieusement accepté de répondre à nos questions afin de nous permettre d’illustrer concrètement les difficultés que doivent surmonter les nouveaux venus pour obtenir le droit d’exercer leur profession au Canada.

Leila Amrani a dû patienter plusieurs années avant de pouvoir pratiquer la médecine au Québec, et ce, même si elle rencontrait tous les critères. La voici avec sa fille Samya.
Au moment de quitter le Maroc, Mme Amrani possède une feuille de route assez impressionnante : mère de cinq enfants et titulaire d’un doctorat en médecine avec spécialisation en oto-rhino-laryngologie, elle compte plusieurs années de pratique à titre d’ORL et en tant que médecin de famille en plus de participer bénévolement en tant qu’ORL aux activités de l’association SOS Villages d’Enfants.
Pourquoi décide-t-elle, avec sa famille, de venir au Canada? « Il y a plusieurs raisons, mais la principale est que je voulais que mes enfants grandissent dans un beau pays où les droits de l’Homme sont respectés, notamment suite aux événements du 11 septembre 2001 », nous confie‑t‑elle. Elle communique alors avec le Collège des Médecins du Québec (CMQ), qui l’informe des étapes à suivre pour obtenir le droit de pratiquer en sol québécois. « Après une visite au Québec, nous avons fait la demande officielle d’immigration pour toute la famille en 2001. Je ne pensais pas que la reconnaissance de mon diplôme allait prendre 8 ans », souligne-t-elle.
Arrivée en terre québécoise le 15 décembre 2006, la petite famille a droit à deux cadeaux de bienvenue inattendus : un Noël sans neige et une décision du CMQ qui lindique à Mme Amrani que, après toutes ces démarches, son diplôme n’est pas reconnu comme étant équivalent et qu’elle ne pourra pas pratiquer.
La famille décide alors de déménager à Vancouver avec l’espoir d’y trouver des conditions plus clémentes. C’est là qu’à sa grande surprise Mme Amrani apprend du CMQ en 2007 qu’elle peut avoir droit à un permis restrictif qu’elle n’obtiendra qu’en juin 2010, après avoir rapatrié la marmaille à Trois-Rivières et suivi une panoplie de stages nécessitant plus d’un an d’allers-retours entre Montréal et Trois-Rivières.
Mme Amrani est, selon le site Rate my doctor, l’une des ORL les plus appréciées de la région. Ses clients ne tarissent pas d’éloges à son égard, même si elle-même reste très humble. « Les gens sont chaleureux et je me suis fait beaucoup d’amis au fil des ans. Je trouve amusant que les patients me posent encore la question de quelle nationalité je suis, alors je réponds que je suis “Canadienne d’origine marocaine” »
Cependant, elle déplore le nombre d’immigrants surqualifiés qui ne parviennent pas à se tailler une place au Canada : « Je trouve désolant que, par exemple, lorsque nous étions en Colombie‑Britannique, la plupart des chauffeurs de taxi étaient des cardiologues, des chirurgiens, pédiatres et même des ingénieurs et professeurs immigrants, formés à l’étranger qui ont fait ce qu’ils avaient à faire pour subvenir aux besoins de leur famille. » Bien que l’inclusion reste souvent difficile pour les immigrants, Laila reste optimiste et espère voir les gouvernements adopter de nouvelles mesures visant à leur faciliter la tâche.