Anthony Gagnon Boisvert et William Simard sont amis de longue date et ont toujours nourri des projets communs. Musiciens de formation et passionnés par le son, c’est durant la pandémie qu’ils ont conçu Prismaphonik. L’idée a émergé de l’envie partagée d’explorer les liens entre la musique, la lumière et l’espace, dans une approche à la fois artistique et technologique.

Anthony Gagnon Boisvert et William Simard. Photo : Frédéric Lavoie
Un duo complémentaire
Anthony Gagnon Boisvert détient une formation en sonorisation et excelle dans le travail manuel. Son expertise technique lui permet de manipuler et d’adapter les équipements nécessaires à la réalisation de leurs ambitions créatives. William Simard, quant à lui, possède une formation de deuxième cycle en musique et s’intéresse autant au son qu’aux lumières. Curieux et autodidacte, il s’est plongé dans l’apprentissage de la programmation informatique afin de donner vie à leurs idées.
C’est d’ailleurs William qui est à l’origine du concept de l’installation. Alors que tout tournait au ralenti durant la pandémie, les deux artistes ont profité de cette pause forcée pour approfondir leurs recherches et structurer leur projet. Cette période leur a permis d’expérimenter sans contrainte, en testant diverses techniques et approches avant d’arriver à une première version fonctionnelle de Prismaphonik.
Une œuvre multimédia immersive et interactive
Le duo explique que, bien qu’ils aient développé Prismaphonik ensemble tout au long du processus de création, leurs forces respectives les ont naturellement amenés à se répartir les tâches. Anthony s’est concentré sur le développement technique, la mise en place des équipements et la sonorisation, tandis que William s’occupait davantage de l’aspect conceptuel, de l’algorithme et de l’expérience visuelle. Cette synergie entre leurs expertises complémentaires a donné naissance à une œuvre qui fusionne rigueur technologique et sensibilité artistique.
Prismaphonik est une œuvre multimédia puisqu’elle intègre plusieurs médiums, notamment le son et la lumière. « Une chose qui était importante pour moi, c’était que la lumière devait être un instrument. Il fallait qu’elle ait un sens précis. C’est là que j’ai commencé à m’intéresser au lien entre les couleurs et les notes de musique, les fréquences. Et finalement, j’ai développé un algorithme qui traite cette musique en temps réel pour générer des motifs lumineux », explique William.
L’algorithme repose sur la superposition du cercle chromatique et du cycle des quintes, une approche qui permet de traduire la musique en une expérience visuelle cohérente. Les variations lumineuses ne sont donc pas aléatoires mais bel et bien le reflet des fréquences sonores et de l’harmonie musicale.
On invite les visiteurs et visiteuses à circuler à travers l’installation et à écouter la musique. Anthony, qui signe les arrangements musicaux, explique que chaque colonne en forme de prisme de l’installation représente un instrument et que l’ensemble des prismes forme un orchestre. « La personne peut entendre un seul instrument si elle s’approche, et l’orchestre au complet si elle s’éloigne », dit-il.
Une inspiration tirée de la synesthésie
En entrevue, William explique s’être inspiré de la synesthésie. La synesthésie est un phénomène neurologique où le cerveau établit des connexions inhabituelles entre différentes aires sensorielles. Normalement, chaque sens est traité séparément par des régions spécifiques du cerveau, mais chez les synesthètes, ces zones communiquent entre elles, ce qui entraîne une activation croisée involontaire. Ainsi, lorsqu’un stimulus est perçu par un sens, une réponse automatique et simultanée se produit en lien avec un autre. Cette particularité découlerait d’une connectivité neuronale accrue ou d’une modulation atypique des signaux sensoriels qui influencent la perception sans nécessiter un effort conscient. Il ne s’agit pas d’un trouble ou d’une pathologie, mais d’une organisation particulière du cerveau dont seulement 4 % à 5 % de la population mondiale bénéficierait. Dans Prismaphonik, c’est le type de synesthésie musique-couleur qui est exploité, puisque les sons ou les notes musicales évoquent des couleurs (on parle parfois de « musique visuelle »).
Anthony se remémore un moment marquant où il a vu une enfant de huit ou neuf ans interagir avec l’œuvre. « Elle était synesthète et, dos aux prismes, elle était capable de nommer les couleurs qu’elle entendait. C’était impressionnant ! William voyait ça depuis le début, comme s’il y avait un côté très naturel à ça. »
Une exposition itinérante en pleine expansion
L’œuvre est composée de 12 prismes lumineux configurés en fonction du lieu d’exposition. Cette exposition ambulante permet donc une expérience unique qui varie selon le lieu où elle est installée. Prismaphonik a déjà été exposée à plusieurs endroits, notamment à la Place des Arts de Montréal pour le 13e événement Luminothérapie du Quartier des spectacles, à l’esplanade du Pôle culturel de Chambly et au parc Daniel-Johnson de Granby durant le temps des fêtes en 2021. Plus récemment, le duo est revenu d’Orlando, en Floride, où Prismaphonik a été présentée au Luminary Green Park.
À travers ces différentes expositions, l’œuvre continue d’évoluer et de captiver les gens, ce qui témoigne du potentiel infini de l’exploration sonore et lumineuse.