Le jeudi 19 septembre dernier, au Centre de formation communautaire de la Mauricie, se déroulait une séance sur l’éducation populaire autonome (ÉPA). La Gazette était sur place afin de connaître la vision des personnes participantes sur ce modèle éducatif. Au fil des discussions, on a constaté que, pour les intervenants sociaux, l’ÉPA peut être un véritable levier de justice sociale. Mais comment cela peut-il se réaliser ?
Les fondements de l’ÉPA
Héritière des mouvements sociaux qui ont marqué l’histoire de l’émancipation collective, l’ÉPA se distingue par sa volonté de rendre le savoir et la culture accessibles à tous, en dehors des structures académiques classiques et de l’institutionnalisation des savoirs.
L’ÉPA puise ses fondements dans les travaux du pédagogue brésilien Paulo Freire, célèbre pour son ouvrage Pédagogie des opprimés. Freire défend l’idée que l’éducation doit être un processus de libération plutôt qu’un simple transfert de connaissances. Il critique le modèle traditionnel de l’enseignement, qu’il appelle « l’éducation bancaire », où l’enseignant est considéré comme détenteur du savoir et l’élève comme un agent passif.
À l’inverse, il propose une éducation dialogique, dans laquelle l’enseignant et l’élève sont engagés dans une relation d’apprentissage réciproque, ce qui permet aux individus de prendre conscience de leur propre réalité sociale et des mécanismes d’oppression qui les entourent. Cette approche, appelée « conscientisation », fait de l’éducation un outil politique d’émancipation individuelle et collective.
Incursion dans la formation
Après s’être présentées lors d’un bref tour de table, les personnes de l’assistance étaient amenées à écrire ce qu’était l’ÉPA selon elles. La consigne était précise : résumer le concept en un ou deux mots. La dizaine de participants ont toutes et tous répondu de manière différente, par des mots comme partage, mobiliser ou encore pédagogie critique. Ils et elles pouvaient également décrire, toujours selon leur propre expérience, ce qui n’était pas de l’éducation populaire. On a alors relevé des mots comme éducation conventionnelle, système restrictif et inadapté.
Bien que les personnes présentes aient proposé des réponses diversifiées, elles s’accordaient pour dire que l’ÉPA peut prendre plusieurs formes. Conséquemment, on en a conclu que ce modèle d’éducation offre un apprentissage adapté à l’individu et permet de réduire les inégalités sociales.
Les six principes fondateurs
L’éducation populaire autonome repose sur six principes fondamentaux, qui en font un puissant levier de justice sociale. Le premier, l’autonomie, valorise la capacité des individus et des collectifs à organiser leurs propres espaces d’apprentissage selon leurs besoins et aspirations. Il permet de sortir des cadres institutionnels rigides pour favoriser l’émancipation personnelle et collective.
Le deuxième principe, l’horizontalité, refuse toute hiérarchie entre enseignants et apprenants. Chacun y est vu comme détenteur de savoirs légitimes, permettant une relation égalitaire et réciproque dans la transmission des connaissances.
Troisièmement, la libre expression des savoirs et des idées défend la légitimité de toutes les formes de connaissances, savantes comme populaires, permettant ainsi une réelle diversité dans les échanges et l’acquisition de nouveaux savoirs.
Quatrième pilier, l’autogestion des espaces d’apprentissage favorise une organisation indépendante, où les collectifs décident de leur fonctionnement, en adaptant leur pédagogie à leurs réalités locales, loin des normes imposées par les institutions traditionnelles.
Le cinquième principe, le refus de la marchandisation de l’éducation, combat la transformation de l’éducation en produit commercial, c’est-à-dire avec des attentes ou un rendement bien précis. Il prône une éducation accessible à tous, en refusant les logiques de profit et en offrant des alternatives gratuites ou non monétisées.
Enfin, le sixième principe, la participation à la transformation sociale, place l’ÉPA au cœur des luttes pour la justice sociale. Loin d’être neutre, elle est un outil d’émancipation visant à remettre en cause les structures inégalitaires et à favoriser la conscience critique de la population pour agir concrètement sur le monde.
Exemple concret à La Tuque
Le projet de l’École forêt nourricière à La Tuque constitue un bon exemple d’ÉPA. En effet, tout au long des nombreux mois de préparation du projet, toutes les parties qui se sont engagées de près ou de loin ont pu acquérir de nouveaux savoirs. La municipalité a pu en apprendre davantage sur les besoins de ses citoyens, et, inversement, les membres du comité Vert l’engagement ont pu constater les impératifs avec lesquels la Ville doit jongler. Il s’agit donc d’un échange de connaissances permettant de mieux comprendre les réalités respectives.