Valérie Delage – Environnement – Février 2021
Avez-vous déjà eu ce sentiment que, quoi que vous fassiez comme modifications de votre mode de vie pour enrayer le réchauffement climatique, c’est une goutte d’eau dans l’océan – qui n’en n’a pourtant pas besoin pour monter ? Forcément, car les gestes individuels que l’on peut poser avec la meilleure volonté sont bien insuffisants pour freiner le phénomène.
Pour m’en convaincre, je me suis amusée à calculer, sur le site du gouvernement du Québec, quelle serait mon empreinte écologique si je mettais tous les indicateurs au minimum. Résultat : je vivrais avec au moins cinq personnes dans un appartement chauffé à l’énergie renouvelable, je cuisinerais tous mes repas, sans viande, je ferais des achats responsables, je ne voyagerais pas, j’utiliserais uniquement le transport actif et je gérerais mes déchets de façon optimale. Eh bien, malgré tout ça, le site me dit : « C’est beaucoup mieux que la moyenne canadienne, mais tu peux faire mieux. Si tout le monde agissait comme toi, il nous faudrait une à deux planètes pour subvenir à nos besoins. »
Pourquoi ne puis-je parvenir à réduire mon empreinte écologique à moins d’une planète en faisant le maximum d’effort ? Parce qu’il y a une part de cette empreinte qui est produite de façon collective, par nos choix de société, ici au Québec ou au Canada, mais également en interrelation avec le reste du monde.

Le rapport du Réseau action climat calcule que la juste part du Québec serait une réduction des GES de l’ordre de 178 % plutôt que 37,5 %. Cela semble excessif, voire irréaliste, mais le chiffre sert surtout à illustrer que le Québec doit également soutenir la lutte à l’échelle internationale. – Crédits photo : Dominic Bérubé
Par conséquent, mes efforts de marcheuse végétarienne qui fait du compost sont nécessaires, mais largement insuffisants pour atteindre la cible qu’on s’est fixée en souscrivant à l’Accord de Paris sur le climat en 2015, soit une réduction de nos émissions de gaz à effet de serre (GES) de 37,5 % par rapport au niveau de 1990 pour le Québec d’ici 2030. Cible qui serait d’ailleurs elle-même très insuffisante pour produire les résultats escomptés à l’échelle mondiale, comme le mentionnait le rapport du Réseau action climat publié en début d’année.
Cette analyse se base sur le fait que les pays industrialisés ont non seulement contribué depuis plus longtemps à la crise, mais ont aussi une plus grande capacité à payer. En effet, le Québec, en adhérant par décret à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, s’est engagé à préserver le système climatique sur la base de l’équité et en fonction des responsabilités et capacités respectives des différents pays. Il doit donc contribuer davantage aux finances internationales pour contrer la crise. Cela rejoint la notion de justice climatique : les pays qui contribuent le moins à la crise sont ceux qui subissent le plus les changements climatiques.
Le rapport du Réseau action climat calcule que la juste part du Québec serait une réduction des GES de l’ordre de 178 % plutôt que 37,5 %. Cela semble excessif, voire irréaliste, mais le chiffre sert surtout à illustrer que le Québec doit également soutenir la lutte à l’échelle internationale, c’est-à-dire investir beaucoup de ressources pour appuyer les autres pays dans la lutte planétaire, mais aussi, par exemple, transformer un système économique qui mise encore largement sur l’exploitation des ressources naturelles et humaines dans les pays du Sud. Et ce, bien sûr, avec une approche décoloniale. Or, ce n’est pas avec un anémique 30 M$ d’investissement en quatre ans dans le Programme de coopération climatique internationale que l’on risque de collaborer concrètement !
D’autant plus que le récent plan vert du gouvernement Legault ne permettrait d’atteindre que 18 % de réduction plutôt que les déjà trop faibles 37,5 % ciblés pour 2030. François Legault a beau invoquer la pensée magique des futures avancées technologiques pour faire mieux plus tard, on reste encore très loin du compte.
Bref, on ne le répétera jamais assez, seuls des changements radicaux dans notre mode vie et dans l’organisation de notre société nous permettront d’éviter la noyade. Les solutions sont nombreuses et connues, elles passent par le réaménagement du territoire pour limiter les déplacements, notamment dans les villes, la priorisation du transport en commun, l’efficacité énergétique, la consommation responsable, la décarbonisation de l’industrie, une meilleure gestion des matières résiduelles, etc. Mais surtout, il nous faut accorder tout autant d’importance à la coopération internationale qu’aux actions nationales. Il est grand temps de se retrousser les manches… individuelles, collectives et mondiales.
Sources
http://www.environnement.gouv.qc.ca/jeunesse/jeux/questionnaires/Empreinte/Questionnaire.htm