Réal Boisvert, avril 2019
Même si le rythme d’implantation sera moins rapide que ce qui avait été annoncé, il y aura quand même 250 classes de maternelle à la prochaine rentrée scolaire pour les enfants de 4 ans au Québec.
Sur le fond, le premier ministre et le ministre de l’Éducation Jean-François Roberge font donc la sourde oreille aux innombrables objections formulées par tous ceux et celles qui sont concernés de près ou de loin par les services éducatifs au Québec. En effet, le plus récent sondage de la firme Léger évalue à 80 % le pourcentage des répondants qui accordent leur préférence aux Centres de la petite enfance (CPE) et autres garderies privées ou subventionnées plutôt qu’à la maternelle 4 ans.
Reprenons ici quelques-uns des arguments qui vont à l’encontre de cette mesure. On estime tout d’abord que les coûts de fonctionnement des maternelles 4 ans s’élèveront à plus d’un milliard quand leur implantation aura été complétée en 2022 avec 2 000 classes. Cette somme sera toujours soustraite aux CPE, eux qui manquent cruellement de ressources pour financer des services de dépistage et offrir certains services spécialisés pour les enfants en difficulté. Parlant de dépistage, les CPE ont un immense avantage sur la maternelle 4 ans. En effet, répètent de nombreux spécialistes, c’est bien avant cet âge qu’il faut intervenir pour détecter des problèmes de développement chez l’enfant. Comment ne pas prendre cela en compte ?
Autre argument, à 4 ans un enfant n’a pas nécessairement la maturité nécessaire pour s’adonner à des apprentissages scolaires. À ce stade, ce qui compte avant tout c’est d’acquérir des habilités relatives à l’autonomie, à la socialisation, à l’équilibre émotif et à la communication.
Sur ce plan on ne saurait trop s’inspirer de l’exemple des pays scandinaves. Au Danemark par exemple, la scolarisation commence à 6 ans. Avant cet âge les enfants fréquentent un service de garde en milieu familial, une pouponnière ou une crèche. À noter que le modèle danois est davantage porté sur le jeu, l’activité physique et l’apprentissage de l’autonomie que de la préparation scolaire. Aux dernières nouvelles, le Danemark ne se débrouillait pas trop mal en matière de services éducatifs, faut-il croire…
Enfin, avant d’être une politique universelle, les maternelles 4 ans ont d’abord été mises sur pied pour venir en aide aux enfants issus des milieux défavorisés. À notre connaissance, on ne dispose pas encore de données mesurant leur impact sur le cursus scolaire de ces enfants. Ce que l’on sait en revanche, c’est que les CPE ont démontré une remarquable efficacité pour accompagner le développement des enfants désavantagés au plan socio-économique. Selon les résultats de l’Enquête québécoise sur le développement des enfants, la fréquentation d’un service de garde amenuise significativement les écarts qui se creusent entre les enfants avant la rentrée scolaire.
Quand, dit le proverbe, on a beaucoup d’esprit et un bon cœur, on n’a ni entêtement, ni obstination. Il n’est donc pas trop tard pour revenir sur cette fausse bonne idée d’un régime universel des maternelles 4 ans. Personne ne reprochera à François Legault de ne pas honorer cette mauvaise promesse électorale.