Première parution de La Gazette en 2025. Même si nous sommes en février, je trouve légitime de vous souhaiter une bonne et heureuse année !
Parlant de bonheur, le 20 mars sera la Journée internationale du bonheur, du moins tel que l’ont statué les Nations Unies le 12 juillet 2012. Ça vous rend heureux de le savoir ? J’en discute maintenant, car dans ma prochaine chronique, je devrai parler du nouveau chef, ou de la nouvelle cheffe, du Parti libéral du Canada, de la dissolution du gouvernement minoritaire de Trudeau et des élections fédérales dont le résultat fera, ou non, votre bonheur. On verra ce que les sondages nous diront…
Le classement des pays
En mars 2024, la firme Gallup – celle-là même qui a été fondée par George Gallup en 1935 – et le University of Oxford Wellbeing Research Center publiaient leur rapport annuel sur le bonheur à travers le monde basé sur des données de 143 pays recueillies entre 2021 et 2023. [1] Les pays scandinaves trônent au sommet du palmarès, on pouvait s’en douter, mais il y a une exception par contre : Israël, qui occupe la cinquième position. J’irais d’un bémol cependant : les données datent d’avant les événements du 7 octobre 2023, événements qui sont toujours d’actualité.
Pour ce qui est du Canada – le meilleur pays du monde, a réaffirmé Jean Chrétien dans sa lettre publiée dans les journaux le samedi 11 janvier dernier –, il est installé au 15e échelon et les États-Unis, quant à eux, occupent le 23e rang. Ils errent hors du top-20 pour la première fois depuis la première parution de ce palmarès du bonheur.
La cueillette de données précédente date des années 2006 à 2010. Entre ces deux cueillettes, le Canada a déboulé de 10 places dans le classement, et les États-Unis de 12 places. Les Américain-es et le convoité 51e État de Trump ne voient plus la vie en rose comme avant.
Le bonheur et l’âge
Le rapport de 2024 a adopté la thématique du bonheur selon l’âge. Jusqu’en 2005-2006 environ, la jeunesse occidentale semblait avoir ce bonheur relativement plus facile que les aîné-es. Mais depuis, une chute notable aurait été enregistrée et les jeunes gens seraient maintenant moins heureux que les personnes plus âgées. [2] En fait, le constat, pour le Canada et les États-Unis, est que le classement selon le bonheur varie fortement selon l’âge, en défaveur des plus jeunes (voir le graphique).
Intéressant, mais qu’en penser ? Selon le rapport, l’explication résiderait dans la balance entre les émotions positives et les émotions négatives, celles-ci étant plus fréquentes chez les jeunes et possiblement plus intenses – jeunesse oblige !
Évidemment, richesse, santé, environnement social, liberté de choix (orientation sexuelle, religion) ou encore un climat politique stable et exempt de corruption sont tous des aspects qui prédisposent au bonheur, enfin supposons-le, sans toutefois pouvoir le garantir.
Mais d’autres facteurs définissent autrement les conditions de vie des jeunes d’aujourd’hui comparativement à celles d’il y a 15 ans ou plus. Ces facteurs ne sont pas explicitement abordés dans le questionnaire d’où proviennent les données sur le bonheur, mais une exploration éventuelle de ceux-ci pourrait permettre de mieux expliquer les variations dans le temps, entre les générations et aussi entre les pays. On peut penser à l’impact des médias sociaux (anxiété, image de soi, désinformation) [3], des changements climatiques, de la menace des armes nucléaires et aussi de la Covid-19, qui a redéfini la normalité du travail, de l’enseignement et des interactions sociales. Tous ces facteurs jouent un rôle dans la perception qu’ont les jeunes des difficultés à surmonter pour concrétiser leurs aspirations.
Possible aussi que la recherche du bonheur, pour les jeunes, passe par des chemins moins traditionnels, mais qui ne sont pas simples à arpenter. [4] Définir ses valeurs, résister aux comparaisons malsaines, s’efforcer de réduire le stress : ce sont des objectifs faciles à identifier, mais pour certaines personnes difficiles à atteindre.

Selon l’étude, les jeunes du Québec seraient moins heureux et heureuses que les personnes plus âgées mais plus que les jeunes du Canada anglais et des États-Unis. Photo : Dominic Bérubé
Et le Québec ?
Le Québec ne fait pas partie explicitement de l’étude, mais des universitaires de la Colombie-Britannique ont analysé les données du Canada et isolé les répondants de la Belle Province pour conclure que le Québec apparaîtrait au sixième rang de ce classement. [5]
Un autre constat intéressant est que les jeunes du Québec se voient plus heureux et heureuses que les jeunes du Canada anglais et des États-Unis. Selon l’étude, les Québécois-es seraient moins exposé-es aux médias anglophones qui véhiculent davantage d’informations négatives.
Quelques mots sur la méthodologie
Les données pour le classement des pays selon un indice du bonheur proviennent d’une étude mondiale plus large, The Gallup World Poll. L’étude se penche sur 150 pays et, en moyenne, 1 000 personnes par pays ont été interrogées. Elles sont sélectionnées aléatoirement parmi les personnes civiles de 15 ans et plus. [6] Un échantillon aléatoire de 1 000 personnes procure une marge d’erreur de 3,1 % et un niveau de confiance de 95 %.
Outre la question qui porte sur la mesure dans laquelle la personne répondante se sent heureuse, il y en a plus de 90 autres. Nombre de données secondaires sont aussi intégrées dans les analyses du rapport. Par exemple, le calcul de l’indice de la qualité de vie est basé sur le PIB par personne et l’espérance de vie en santé à la naissance, données secondaires qui sont jumelées à des données du sondage concernant le soutien social, la liberté dans les choix de vie, la générosité et la perception de la corruption dans son pays.