À l’échelle mondiale, la démocratie est-elle en recul ?

Un texte de Charles Fontaine et Valérie Delage

Le recul de la démocratie à travers le monde est-il devenu une tendance inéluctable ces dernières années ? L’actualité semble pointer vers ce constat. De même, plusieurs études et rapports récents confirment ce phénomène. Dans le contexte, le thème de la démocratie et de la participation citoyenne est tout indiqué dans le cadre des Journées québécoises de la solidarité internationale (JQSI) qui se déroulent tout au long du mois novembre.

Une année importante 

Pour bien comprendre et saisir l’ampleur des enjeux liés à la démocratie à l’échelle mondiale, notons d’emblée que l’année 2024 en est une d’élections. Si l’on est déjà bien familiarisé-e avec l’actualité entourant les élections présidentielles américaines, on sait peut-être moins que, pour l’ensemble du globe, c’est plus de la moitié des personnes en âge de voter qui sont appelées aux urnes cette année. Cela représente pas moins de 4,2 milliards de personnes concernées par des élections, qu’elles soient régionales, municipales ou nationales, rapporte le quotidien Ouest-France. 

Toutefois, selon la stratège Katie Harbath, qui publie l’infolettre Anchor Change, qui traite de problèmes mondiaux liés à la démocratie, aux élections et à l’engagement civique,

ce n’est que 38 % des élections prévues en 2024 qui seront entièrement libres, tandis que 75 % seront classées comme « partiellement libres », ce qui rappelle au passage que de nombreux pays concernés par ces scrutins font face à la menace croissante de la désinformation. 

La montée en puissance des régimes autoritaires

Il y a donc une forte possibilité, au sortir de l’année 2024, de voir le nombre d’États démocratiques dégringoler encore une fois. Car, s’il y avait en 2023 presque autant de démocraties que d’autocraties sur le globe (91 démocraties pour 88 autocraties), selon le V-Dem Institute, un organisme qui mesure la démocratie dans le monde, en 2016, il y avait 95 démocraties électorales. 

La statistique est d’autant plus inquiétante lorsqu’on observe l’effritement du nombre de démocraties libérales, c’est-à-dire de démocraties qui, en plus d’assurer un processus électoral, garantissent des libertés individuelles et un équilibre des pouvoirs entre les différentes institutions. Celles-ci sont en effet passées de 43 en 2012 à seulement 32 en 2023. En 2024, on pourrait donc bien voir cette tendance s’accélérer et voir un nombre important de régimes autoritaires, voire totalitaires, émerger sur tous les continents. 

Rappelons enfin que la majorité des êtres humains ne vivent pas dans un État démocratique. De fait, c’est 71 % de la population mondiale, soit 5,7 milliards de personnes, qui vit aujourd’hui dans une autocratie. 

Les institutions démocratiques dans le tordeur

Globalement, c’est à un effritement inquiétant des institutions démocratiques que nous assistons. Le phénomène se manifeste par une montée de régimes autoritaires, nous l’avons dit, mais aussi par une polarisation politique exacerbée et une érosion de la confiance envers les gouvernements et les processus électoraux. Le plus récent rapport sur l’état global de la démocratie en 2024 produit par l’IDEA, une organisation intergouvernementale qui a pour mission de faire progresser la démocratie dans le monde, nous apprenait d’ailleurs qu’entre 2020 et 2024, dans près d’une élection sur cinq, un-e candidat-e défait-e n’a pas reconnu les résultats électoraux.

Par ailleurs, dans plusieurs pays, on s’attaque au droit fondamental de s’exprimer. Les médias sont muselés et l’opposition politique est réprimée. La désinformation et la manipulation des opinions publiques, amplifiées par les réseaux sociaux, fragilisent encore plus la démocratie. Et c’est vrai autant en Russie qu’en Inde ou aux États-Unis.

Un rapport de 2024 de la Fondation Bertelsmann, un groupe de réflexion qui intervient sur tous les grands sujets qui touchent la mondialisation, confirme que cette ambiance mondiale a contribué à ouvrir la porte à des régimes autoritaires dans des pays comme le Bangladesh, le Mozambique ou la Turquie. Dans le contexte, d’autres, comme le Mali, le Burkina Faso ou le Zimbabwe, ont même rejoint les rangs des « autocraties dures », aux côtés de la Russie et de l’Arabie saoudite.

La participation citoyenne, un phare dans la nuit ?

Malgré des périodes d’autocratisation au cours des années 1930, 1960 et 1970, le monde reste aujourd’hui encore bien plus démocratique qu’il ne l’était il y a 50 ans. Les peuples ont toujours su renverser ces tendances en se battant pour leurs droits. La société civile semble à chaque fois parvenir à actualiser sa capacité à défendre et à renforcer des acquis, pour peu que des citoyens et des citoyennes se mobilisent.

Toujours selon le même rapport de la Fondation Bertelsmann, la société civile joue un rôle essentiel pour défendre les démocraties. Par exemple, dans les dernières années, au Brésil, au Kenya et en Zambie, c’est la société civile qui a permis de garantir des élections équitables et de préserver une certaine forme de vie démocratique.

Il devient donc essentiel d’informer la population, dans le cadre des JQSI, sur le pouvoir de la participation citoyenne comme prise en charge de la démocratie par la collectivité. Il s’agit de redonner confiance aux gens en la démocratie, et de faire valoir que notre destin ne repose pas fatalement entre les mains des personnes élues mais que tout le monde peut y contribuer.

Source : Carte tirée de l’article La démocratie est-elle vraiment en train de s’imposer dans le monde ? publié le 15 mars 2024 et produit par Ouest France.  https://www.ouest-france.fr/monde/carte-elections-comment-la-democratie-a-evolue-de-1789-a-2023/