Un lecteur* me fait part de son doute quant aux formulations suivantes : « les gens qui fument ont plus de chance de contracter un cancer » et « chances de vent violent en soirée ». En effet, on peut ici douter… du pouvoir de la chance !
En français, on attribue plusieurs sens au mot chance. Celui que tout le monde aime est le sort favorable. Bien oui, comme lorsqu’une bonne fortune nous fait gagner un concours ou rencontrer une personne adorable ! (La chance peut toutefois être une force sombre : qui ne redoute pas la malchance ou la mauvaise chance ?)
Le terme chance, au pluriel surtout, désigne également une probabilité que quelque chose se produise. Le sens est alors neutre. Par exemple, vu leur compétence, les athlètes canadiens en surf des neiges avaient de grandes chances de remporter des médailles olympiques. Autre exemple, au singulier cette fois : durant les nuits de froid extrême, les personnes itinérantes ont moins de chance de survie.
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On considère aussi la chance comme une puissance bénéfique qui est présumée régler le cours des événements de manière avantageuse ou désavantageuse – cela frôle parfois la pensée magique. Ainsi, une chance inespérée m’a permis de retrouver mes clés d’auto dans un stationnement enneigé. Par contre, pas de chance, j’ai raté de quelques minutes la visite d’une amie !
En anglais, chance englobe la notion d’un danger auquel on s’expose, ce qui n’est pas le cas en français. Par conséquent, pour en revenir aux phrases présentées en introduction, vous comprenez qu’il est plus approprié d’énoncer que les fumeurs et fumeuses risquent davantage de développer un cancer et qu’on annonce une probabilité ou un risque de vents violents.
Retenons que le mot risque comporte toujours un aspect défavorable, car il signifie une possibilité d’accident, de malheur ou de perte, ou encore l’éventualité d’un événement qui peut avoir des conséquences fâcheuses. Exemple : dans les périodes de grand froid, les personnes itinérantes courent le risque de mourir.
Cependant, si on veut échapper à la dualité chance/risque, on peut choisir des termes neutres, comme probabilité, possibilité, éventualité, hasard.
En terminant, pensez-vous que le Canadien « prend une chance » en engageant un nouvel entraîneur qui n’en est pas un ? N’étant pas experte en hockey, je peux seulement dire que cette expression courante est calquée de l’anglais to take a chance. On préférera donc courir la chance, tenter sa chance, tenter le sort ou prendre un risque, des risques OU le risque, courir le risque, selon le contexte le plus plausible… pour les spécialistes de la sainte Flanelle.
* Je remercie vivement Normand Richard, le lecteur attentif qui m’a suggéré le sujet de la présente chronique.
Sources :
- Banque de dépannage linguistique, Office québécois de la langue française, rubrique Les emprunts à l’anglais – Emprunts sémantiques, article « Chance » : https://bdl.oqlf.gouv.qc.ca/bdl/gabarit_bdl.asp?t1=1&id=1973 ; article « Risquer » : https://bdl.oqlf.gouv.qc.ca/bdl/gabarit_bdl.asp?id=4482.
- Multidictionnaire de la langue française, Marie-Éva de Villers, éditions Québec Amérique, Montréal, 2015, p. 310-311, entrée « chance » et p. 1558-1559, entrée « risque ».
- Usito, dictionnaire québécois en ligne, entrée « chance » : https://usito.usherbrooke.ca/d%C3%A9finitions/chance.
- CNRTL – Centre national de recherche textuelle et lexicale, onglet Lexicologie, entrées « chance » et « risque » : https://www.cnrtl.fr/definition/chance, https://www.cnrtl.fr/definition/risque.