Mireille Pilotto, traductrice et réviseure – Mot à mot – Décembre 2020
Les mots sont des outils qui façonnent l’esprit et la conception de la réalité. En novembre 2017, la co-porte-parole de Québec Solidaire en faisait la démonstration avec le mot patrimoine.
La députée de Québec Solidaire annonçait en effet que son parti rayait de son programme le mot patrimoine, le jugeant trop masculin : « C’est un mot qui dans sa racine réfère à une forme de présence et de domination du masculin. » En affirmant cela, madame Massé n’avait pas tort.
Selon un dictionnaire d’étymologie (la généalogie de la langue), le mot latin patrimonium a été formé à partir du mot pater, qui « exprime moins la paternité physique – désignée par géniteur – qu’une valeur sociale : c’est l’homme représentant la suite des générations, le chef de la famille, le propriétaire des biens ». Ouille, ouille, ouille ! Voilà qui peut faire sourciller les mères monoparentales, les cheffes d’entreprises… et les femmes d’aujourd’hui en général.
Que proposait alors Québec Solidaire en remplacement de patrimoine ? Un terme moins genré et plutôt juste : héritage culturel, qui rejoint la définition que donne l’UNESCO du mot honni : « l’héritage du passé dont nous profitons aujourd’hui et que nous transmettons aux générations à venir ». On notera que madame Massé s’est bien gardée de suggérer le terme matrimoine.
De fait, ce mot renvoie – du moins dans son sens traditionnel et encore actuel – non pas à la mère, mais à tout ce qui est relatif au mariage et à la femme dans cette condition civile. On repassera !
Cependant, si on veut désigner l’héritage matériel laissé par une femme à sa descendance ou à toute autre personne, on pourrait très bien employer héritage maternel, ou héritage parental si on englobe père et mère, quel que soit leur genre.
Parlant d’héritage culturel, sur une note plus drolatique, je veux souligner l’initiative des concepteurs du site et de l’application gratuite Lorembarnak, un générateur de jurons typiquement québécois. Je ne recours pas moi-même beaucoup aux sacres, mais la valorisation astucieuse de ce bien commun immatériel me réjouit absolument.
Je vous mets au défi de ne pas rire en voyant s’afficher à l’écran une suite aléatoire et de longueur variable de blasphèmes découlant du vocabulaire catholique. Vous en avez assez de la pandémie, de la météo, de tout et de rien ? Payez-vous la traite en découvrant des sacres hilarants… et tous biens orthographiés. Soyez heureux, malgré tout !