Mireille Pilotto, traductrice et réviseure – Novembre 2020
En dépit de la consigne de distanciation physique qui prévaut dans notre paysage social depuis plusieurs mois, je veux faire ici la promotion du rapprochement… entre certains mots !
Plus précisément, je veux attirer votre attention sur le trait d’union, ce petit signe graphique dont l’emploi fluctue au fil du temps et des termes qu’il réunit. D’abord quelques exemples : il existe au Québec plusieurs centres d’artistes autogérés. On veut améliorer le commerce interprovincial. Ce quartier est multiethnique. On lui a implanté un dispositif intraveineux. La région mise sur l’agrotourisme.
Alors, pas de trait d’union ? En effet, dans l’écriture des mots composés d’un préfixe latin ou grec + un nom ou un adjectif, la tendance contemporaine est la « soudure », c’est-à-dire la graphie sans trait d’union. C’est ce que préconisent les spécialistes de la langue et les tenants de la rectification de l’orthographe. On simplifie, c’est réjouissant !
Il demeure cependant des cas où le trait d’union est nécessaire, principalement pour éviter une prononciation ou une lecture difficile, par exemple : 1) lorsque deux voyelles peuvent former une entité unique : a-i (extra-insulaire), a-u (intra-utérin), o-i (agro-industriel), o-u (micro-univers) ; 2) lorsque deux voyelles identiques se suivent : bio-ordinateur, anti-inflammatoire. Pour voir une liste complète des préfixes et un tableau synthèse de l’emploi du trait d’union, je vous invite à consulter un outil en ligne très efficace : la Banque de dépannage linguistique de l’Office québécois de la langue française (référence dans le site Web de la Gazette).
Comme le français – à l’instar des autres langues – évolue sans cesse, en reflétant les courants d’idées, les tendances sociétales et les inventions matérielles, il va de soi que de nouveaux mots apparaissent et que l’image graphique de ceux déjà existants se modifie également.
En cela, la langue témoigne de l’adaptation à la réalité, un concept que la pandémie a forcément mis en évidence. Heureusement, en ce qui concerne le respect des règles linguistiques, il est permis de pratiquer l’auto-indulgence…
Consultez les autres chroniques Mot à mot
Sources
- Banque de dépannage linguistique, OQLF :
- « Mots composés (trois sous-thèmes) » : http://bdl.oqlf.gouv.qc.ca/bdl/gabarit_bdl.asp?Th=1&Th_id=161;
- « Tableau-synthèse : trait d’union dans les mots composés d’un préfixe ou d’un élément grec ou latin » : http://bdl.oqlf.gouv.qc.ca/bdl/gabarit_bdl.asp?Th=2&t1=&id=4336.
- Multidictionnaire de la langue française, Marie-Éva de Villers, Québec Amérique, 2015, p. 1402, 1752.
- Usito, dictionnaire québécois en ligne : https://usito.usherbrooke.ca/index/%C3%A9l%C3%A9ments_de_formation/pr%C3%A9fixes#a