Au printemps dernier, la maison d’édition Alto publiait Peuple de verre, cinquième roman de Catherine Leroux. Inscrit parmi les cinq finalistes du Prix des libraires du Québec, ce récit a le potentiel de graver sa place dans l’imaginaire québécois.
De la réalité à la fiction
Alors que le Tribunal administratif du logement a annoncé une augmentation historique de 5,9 % le mois dernier, Leroux nous offre une enquête sur une crise du logement qui dégénère. Fait intéressant et souvent laissé de côté par la littérature contemporaine, Leroux donne une importance forte à l’atmosphère et aux décors narratifs. Sous la forme d’un journal intime, l’œuvre se veut une puissante réflexion sur l’écriture et la vérité à travers l’analyse des mécanismes de contrôle des populations et de la lutte des classes.
Dans un Québec pas si lointain, Sidonie est une ancienne journaliste logée dans un HAPPI (Habitation Atelier pour personnes inlogées). Produits de l’ingénierie sociale, ces établissements visent la remise en société des gens sans domicile fixe. Toutefois, cette revalorisation ne va pas sans la mise en place de travaux obligatoires et d’une discipline de fer, des contraintes qui menacent l’identité et les libertés individuelles.
À travers une généalogie des ruines, Sidonie raconte à Régine, son intervenante, le parcours qui l’a menée à recourir à un hébergement d’urgence. Chaque section est racontée au passé, à l’exception des dialogues entre Sidonie et Régine. Autrefois journaliste vedette, égérie des mal-aimés de la rue, Sidonie s’est mise à fouiller les recoins les plus sombres de la lutte contre l’itinérance, jusqu’au jour où son ami Carlo a disparu sans laisser de traces.
Animée par une soif de vérité, Sidonie a voulu éclairer la situation et montrer à quel point l’itinérance est devenue un problème que les autorités ont tenté de contrôler en rendant illégal le fait même d’être sans logement. Avec l’aide de Lucius, un journaliste photo, elle a exposé au grand jour le processus de déshumanisation des inlogés, qui passe des changements sémantiques à l’incarcération forcée.

Peuple de verre, de Catherine Leroux, est publié aux éditions Alto. 288 pages. Photo : Alexis Lambert / © La Gazette de la Mauricie et des environs
Esthète de la misère
L’autrice est une styliste née. En effet, on sent chez Leroux un goût pour l’esthétique. C’est un registre de langage soigné et recherché qui nous est offert, sans pour autant tomber dans l’enjolivement à l’excès. Le roman est truffé de fragments poétiques où le beau et le laid se côtoient. Une poésie dure et urbaine qui peint une réalité dystopique avec des phrases comme « L’été s’avançait sur Montréal, sa chaleur de succube, ses orages de ferraille. » Il y a aussi un effort particulièrement agréable dans le choix des prénoms étonnants : Sidonie, Maximilienne, Marieke.
Avec la sortie de Peuple de verre, Catherine Leroux prouve encore une fois qu’elle est une actrice importante de la littérature québécoise des 10 dernières années. Ses thématiques, actuelles et sombres, ainsi que sa verve, qui fait l’effet d’une rafle, font de ce roman une nécessité pour quiconque s’intéresse à l’actualité sociale et littéraire québécoise.