Marie-Pier Bédard, avril 2019
En faisant la lecture d’articles sur les multiples enjeux liés au glyphosate, l’ingrédient actif du Roundup de Monsanto, force est de constater que le sujet est complexe. Voyons trois de ses composantes importantes : la perspective agricole, les risques potentiels sur la santé et sur l’environnement, et la perspective d’une transition vers une agriculture exempte de glyphosate.
La perspective agricole
Les pesticides sont des outils légaux, réglementés et utilisés presque partout dans le monde. Si une grande majorité des agriculteurs les utilisent, c’est parce qu’ils sont efficaces pour améliorer le rendement des terres. En effet, une majorité d’agriculteurs travaille dans un contexte de mondialisation, ce qui leur demande une performance toujours croissante. Parallèlement, les producteurs expriment une réelle préoccupation par rapport à l’utilisation croissante des pesticides. Dans un blogue publié le 26 février 2019, intitulé Profession empoisonneur ?, Paul Caplette, agriculteur, écrivait : « Certains semblent croire qu’on applique des pesticides par ignorance ou insouciance. Quand ma conserverie m’informe qu’on doit traiter notre champ de petits pois verts avec un insecticide trois jours avant la récolte. Pourquoi ? Il y a un certain insecte qu’on doit détruire parce qu’il risque de se retrouver dans la canne de conserve. Je comprends qu’il n’y a aucun consommateur qui veut manger des bibittes avec ses petits pois. »
Monsieur Caplette, comme beaucoup d’agriculteurs, se sent incompris. Malgré cela, il participe avec 125 autres agriculteurs québécois à un projet pilote qui vise la réduction des pesticides. Dans le cadre de ce projet, certains ont réussi à réduire la quantité de glyphosate appliquée de 77 % pour obtenir le même résultat (blogue publié le 5 mars 2019).
La santé et l’environnement
Aucun agriculteur n’ignore les effets potentiels du produit. Dans un reportage diffusé à Enquête le 21 février 2019, Michel Gélinas, producteur agricole de la MRC de Maskinongé, témoignait d’une inquiétude réelle pour sa santé et celle de sa famille, une inquiétude partagée par plusieurs de ses collègues.
Déjà en mars 2015, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) classait le glyphosate comme un cancérigène probable chez l’humain. Toutefois, en janvier 2019, Santé Canada, décidait de maintenir l’approbation du glyphosate, considérant que cette molécule ne pose pas de risque pour la santé humaine, si elle est utilisée de manière appropriée. Pourquoi des positions aussi opposées ? Parce que l’un et l’autre organisme ne s’appuient pas sur les mêmes études. Le CIRC se base sur des études indépendantes diffusées dans des publications scientifiques, tandis que Santé Canada se fonde essentiellement sur des études menées par l’industrie, sans toutefois écarter les études indépendantes. Alors qui croire ? Les Canadiennes et Canadiens peuvent-il avoir confiance dans le processus d’évaluation des risques du glyphosate sur notre santé et notre environnement ? La question demeure entière.
Une agriculture exempte de glyphosate ?
De plus en plus d’études démontrent qu’il est temps d’effectuer la transition vers une agriculture plus respectueuse de l’environnement et de la santé. Notamment, en février 2019, un rapport du ministère de l’Environnement du Québec dressait un constat inquiétant de la qualité de l’eau de rivières en territoire agricole. En outre, ce rapport indiquait que les pesticides polluent de plus en plus les cours d’eau québécois. Peu après, l’Union des producteurs agricole (UPA) du Québec pressait le gouvernement québécois d’adopter un « plan vert » sur les pesticides. Dans sa demande, Marcel Groleau, président de l’UPA, mentionne qu’il faut offrir des solutions de rechange aux producteurs. Selon monsieur Groleau, « les producteurs vont suivre ». Du reste, Michel Tessier, blogueur à l’UPA Mauricie, avait auparavant énoncé, dans un texte publié le 17 septembre 2015, que « seule l’implication des producteurs dans une approche collective parviendra à améliorer la situation. Impliqués dans des démarches collées aux réalités terrain et accompagnés adéquatement, les producteurs et productrices ont toujours été les premiers à adopter massivement de nouvelles approches, ont toujours été des acteurs de changement dans l’accomplissement d’une grande mission : nourrir le monde. »