Réal Boisvert, juin 2016
À l’ère d’Internet, alors qu’on ne parle plus que de tablettes et de leurs applications diverses, à l’heure où les journaux, les uns après les autres, condamnent leur édition papier, l’orgie publicitaire déferle de plus belle dans les publisacs. Elle se déverse en flots continus sur le pas des maisons de banlieue. Elle s’amasse en petits tas au pied des escaliers et sur les trottoirs des premiers quartiers tout en s’accrochant en grappes aux boîtes postales le long des rangs de campagne.
Les annonces ne négligent aucune pharmacie. Elles n’oublient pas une seule quincaillerie. Elles couvrent toutes les chaînes d’alimentation, toutes les boutiques de produits électroniques, tous les garages, plein de salles d’entraînement, mille négoces de vêtements, autant de fabricants de portes et de fenêtres, de vendeurs de meubles, de bijoux, de joujoux et de crèmes contre les poux. Ah oui, j’oubliais les matelas, le salon de la mariée, le savon à vaisselle, les forfaits tout inclus et les bonbons en solde, à crédit, en vrac, en double, à volonté… Ouf !
À vue d’œil comme ça, au moins 400 grammes de matière imprimée en gros caractères, en photos, à encres multicolores sur du papier glacé incluant en prime un hebdo local rempli à son tour à 80 % de publicité et de publi-reportages. Le tout distribué en Mauricie à 50 000 adresses. Tout bien compté, 25 tonnes de réclames tapageuses à toutes les semaines… Un clinquant assourdissant si on additionne toutes ces majuscules qui nous incitent à consommer toujours plus, sans cesse.
Mais pourquoi lire ça ? Enfin… lire est un grand mot. Pourquoi regarder ça plutôt ? Surtout, on pourrait se demander, si c’est permis, à quoi ça sert ? À nourrir la bête bien sûr. À enfourner le monstre consumériste en nous. À combler, à l’ère du vide, des besoins inutiles.
Beau temps, à l’approche de la période estivale, pour réfléchir à tout ça. Pour se redire notamment qu’un nombre incalculable des annonces qui se retrouvent dans le publisac a partie lié avec le pétrole. D’un côté la consommation concernant tout le secteur automobile, de l’autre, celle des produits à base de pétrole, autant de millions d’objets en matière plastique qui aboutissent à leur tour en milliards de tonnes de déchets. Le publisac est l’image parfaite de l’étau qui nous enserre. Les mâchoires de la publicité ne cessent de s’écarter pour s’ajuster parfaitement au flux de la production pétrolière. Voilà ce qui explique pourquoi on est si pressé de redémarrer les installations de Fort McMurray et voici en quoi TransCanada est si prompte à tout mettre en œuvre pour dérouler sur nos terres et sous nos rivières des kilomètres de tuyauterie charriant un flot continu de bitume dilué.
Autre motif pour mettre un frein à tout ça. Selon les dernières statistiques, l’endettement des ménages atteint des records. Comme si le matériau avec lequel sont fabriquées les cartes de crédit devait un jour ou l’autre conduire à ce débordement…