La tourbière Red Mill, reconnue pour sa biodiversité exceptionnelle, fait l’objet de mesures de protection mises en place par plusieurs organismes. Sandra Godin-Blouin, chargée de projet à la direction de la conservation chez Nature-Action Québec, et William Trudeau, biologiste et responsable de la conservation à la Fondation Trois-Rivières durable, expliquent pourquoi la préservation de ce milieu unique est essentielle.
Un territoire partagé entre six municipalités
En Mauricie, six municipalités se partagent 11 329 hectares de milieux humides, un territoire qui porte le nom de « tourbière Red Mill ». Il s’agit de Trois-Rivières, Saint-Maurice, Saint-Luc-de-Vincennes, Champlain, Batiscan et Sainte-Geneviève-de-Batiscan. Cette vaste tourbière est divisée entre de nombreux propriétaires, que ce soit des particuliers, des organismes de conservation, des municipalités ou des entités gouvernementales.
Un rôle crucial pour l’écosystème et une éponge naturelle
Ce qui distingue un milieu humide d’un milieu terrestre est la présence d’eau de façon permanente ou semi-permanente. Ces milieux jouent un rôle fondamental dans l’équilibre des écosystèmes, notamment « grâce à leur captation de dioxyde de carbone, le fait qu’ils abritent de nombreuses espèces animales et végétales, et parce qu’ils agissent comme des filtres naturels pour l’eau », explique William Trudeau.
La sphaigne, c’est-à-dire la matière organique accumulée au fil du temps, agit également comme une éponge. Elle vient réguler l’hydrologie du secteur où elle est présente. « Lors de grosses pluies, beaucoup d’eau est absorbée dans la tourbière, ce qui réduit les risques d’inondation. À l’opposé, dans les épisodes de sécheresse, l’eau qui se trouve dans la tourbière va alimenter les cours d’eau environnants », indique Sandra Godin-Blouin.
Une biodiversité impressionnante
Ce qui fascine le plus William Trudeau est la quantité exceptionnelle d’espèces animales et végétales que comporte une tourbière. « Je ne pense pas à une seule fois où j’ai patrouillé une tourbière et que je n’ai pas découvert des espèces que je ne connaissais pas. »
Sandra Godin-Blouin ajoute que plusieurs espèces de plantes carnivores du Québec prolifèrent dans ce milieu humide. On y dénombre également sept des huit espèces de chauves-souris du Québec, dont la majorité ont un statut d’espèce vulnérable ou menacée établi par les gouvernements québécois ou canadien.
Deux approches de conservation complémentaires

La tourbière Red Mill, reconnue pour sa biodiversité exceptionnelle, fait l’objet de mesures de protection mises en place par plusieurs organismes, notamment Nature- Action Québec et la Fondation Trois-Rivières durable. Photo : Gracieuseté Nature-Action Québec
Bien que Nature-Action Québec et la Fondation Trois-Rivières durable aient l’objectif commun de protéger ce milieu, leurs orientations ainsi que les actions entreprises diffèrent.
Nature-Action Québec, qui est propriétaire de 879 hectares de la tourbière, dont la plus grande partie se situe à Saint-Luc-de-Vincennes, a pour objectif premier « la conservation pure et dure », indique Sandra Godin-Blouin. On ne planifie pas d’aires écologiques et on ne permet aux citoyens et citoyennes d’y accéder. Seuls les membres de l’équipe de Nature-Action, leurs partenaires et des bénévoles peuvent patrouiller le secteur afin d’y recueillir des données ou de faire le contrôle des espèces envahissantes, entre autres actions.
La Fondation Trois-Rivières durable, un organisme paramunicipal trifluvien, est propriétaire de 72 hectares et est également responsable des 210 hectares détenus par la Ville de Trois-Rivières. Son objectif est semblable à celui de Nature-Action Québec, soit la conservation du milieu, mais la population y a accès. La Fondation effectue elle aussi des patrouilles avec sa brigade de bénévoles et fait des cueillettes de données.
Les deux organismes sont amenés à collaborer régulièrement, ainsi qu’avec d’autres organismes et municipalités. Sandra Godin-Blouin et William Trudeau affirment que cette collaboration se passe très bien et que toutes les personnes concernées font preuve d’ouverture. « C’est agréable en Mauricie, parce qu’il y a beaucoup d’entraide », affirme Sandra Godin-Blouin.
Le problème persistant des véhicules hors route
Pour le biologiste William Trudeau, le principal problème lié à la tourbière Red Mill concerne la gestion des véhicules hors route (VHR), notamment les autoquads monoplaces et biplaces, et les motocross. Il explique que malgré la barrière qui bloque l’accès et les panneaux indicateurs, plusieurs de ces VHR s’introduisent dans la tourbière. Ce problème est particulièrement présent dans le secteur de l’aire écologique Maskimo.
L’utilisation de VHR dans ces écosystèmes uniques crée une pression importante sur la biodiversité, en menaçant la survie des espèces animales et végétales. Par exemple, dans les sentiers des étangs et des zones marécageuses, le passage de ces véhicules motorisés perturbe la faune, détruit les larves d’amphibiens et nuit à la formation naturelle de la tourbe. Sur les sols organiques, les VHR endommagent la végétation fragile, dont plusieurs espèces rares comme les orchidées et les droseras.
Depuis 2015, la Fondation Trois-Rivières durable, la Ville de Trois-Rivières et Nature-Action Québec appliquent une stratégie concertée de gestion des accès des VHR dans la tourbière Red Mill.
C’est donc grâce à cette collaboration soutenue entre des organismes, des municipalités et la population que la tourbière Red Mill continue de jouer son rôle vital au cœur de la biodiversité mauricienne.






