La croissance économique occupe une place importante dans l’actualité. Si certains en vantent les mérites, dont celui d’augmenter la richesse matérielle et financière, d’autres s’interrogent sur le partage de cette création de richesse, ou encore de son impact sur la qualité de vie. Qu’en est-il au juste ? 

On mesure la croissance par la variation du produit intérieur brut (PIB), soit la valeur monétaire des biens et services produits, lesquels sont consommés par les personnes et les entreprises d’un territoire donné (pays, province, région). Ainsi, une croissance plus forte implique une consommation plus grande, car les revenus provenant de la production (salaires, profits) sont dépensés. 

La croissance a connu son heure de gloire dans les trente années qui ont suivi la Deuxième Guerre mondiale (1939-1945). Cette période fut qualifiée « d’Âge d’or » en Amérique du Nord et de « Trente glorieuses » en Europe, car l’économie a crû de 4,5 % en moyenne par année dans les pays riches. À ce rythme, le revenu moyen de la population double à tous les quinze ans.

La croissance à tout prix

Cette période faste s’est interrompue en 1974, suscitant un débat sur les causes du ralentissement de la croissance. Pour les uns, le ralentissement est dû à un essoufflement de la productivité (quantité produite par les travailleurs et les équipements par heure de travail), faute d’innovations majeures comme l’avaient été l’électricité et le moteur à explosion. Pour d’autres, c’est la lourdeur des impôts des plus fortunés et des entreprises qui bloquent la croissance du PIB. 

Fort d’un lobby imposant, le deuxième camp l’a emporté. On assiste alors à des baisses d’impôt radicales pour les plus riches et les grandes entreprises, prétextant que ceux-ci investiraient plus dans la production et stimuleraient la croissance, laquelle finirait par ruisseler jusqu’au bas de l’échelle sociale, sous forme de nouveaux emplois et revenus. Cette idée du ruissellement vers le bas, sans fondement théorique, a d’abord été appliquée par le président américain Ronald Reagan et la première ministre britannique Margaret Thatcher dans les années 1980, puis par le Canada et plusieurs pays d’Europe, de sorte les taux d’imposition des mieux nantis et des grandes entreprises ont fondu de 60 % depuis 1980.

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Le ruissellement vers le haut

Or, ces baisses d’impôt n’ont guère stimulé la croissance, puisqu’elles ont entraîné une hausse stratosphérique des salaires des plus riches et, par conséquent, une explosion des inégalités de revenu et de richesse (immobilière et financière). Si faible soit-elle, la croissance a donc profité aux plus riches, pour la plupart actionnaires des grandes entreprises. Entre 1980 et 2018, la moitié de la population aux revenus les plus bas a capté seulement 12 % de la croissance mondiale, alors que le 1 % du haut de l’échelle en a récolté 27 %. Aujourd’hui, les 10 % des plus hauts revenus captent 52 % du revenu mondial et 76 % de la richesse mondiale, alors que la moitié de la population mondiale la plus pauvre capture seulement 8,5 % des revenus et seulement 2 % de la richesse.

Les indicateurs de bien-être

La croissance du PIB n’est pas toujours un gage d’amélioration du bien-être, car les pays qui ont les plus gros PIB n’ont pas le niveau de bien-être le plus élevé. Des pays comme l’Australie, la Suède et le Danemark ont un niveau de bien-être supérieur au PIB par habitant; alors que d’autres pays comme les États-Unis, l’Irlande et la Suisse affichent un niveau de bien-être inférieur à leur PIB par habitant. 

Ces écarts montrent que le PIB est insuffisant pour assurer la qualité de vie des gens. Les enquêtes de l’OCDE sur le bien-être montrent que les gens sont plus satisfaits de leur vie quand ils consacrent moins d’heures à leur travail, même si cela diminue leur revenu, afin d’accorder plus de temps à leurs proches et à des loisirs satisfaisants. D’autres dimensions comme la qualité de l’eau et de l’air, l’état de santé personnel, une éducation accessible et de qualité favorisent aussi le sentiment de bien-être. Enfin, un faible niveau d’inégalité et une meilleure cohésion sociale rendent aussi les gens plus heureux.

Or, la cohésion sociale est incompatible avec de très faibles niveaux d’imposition des mieux nantis et des grandes entreprises. Les pays qui ont les taux d’imposition des hauts revenus plus élevés (Allemagne, Suède, Danemark) que le Canada et les États-Unis, ont des écarts de revenus moins élevés. Pour éviter la concurrence fiscale que se livrent les pays, 140 pays ont signé un accord en 2021 pour assujettir les grandes multinationales à un taux minimum de 15 % à compter de cette année. Bien que ce taux soit insuffisant, il s’agit tout de même d’une avancée importante. De nombreux intervenants, dont Oxfam, proposent de taxer de manière progressive la fortune des multimillionnaires et des milliardaires, ce qui pourrait rapporter 1 700 milliards de dollars par an, soit une somme suffisante pour sortir 2 milliards de personnes de la pauvreté et de la famine.  

Le temps est venu de se défaire de l’obsession de la croissance, d’ailleurs incompatible avec la sauvegarde de la planète, pour se concentrer sur les mécanismes qui améliorent le bien-être des gens. 

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