Qui sont-elles ces personnes de tous les âges, hommes et femmes, que l’on croise de plus en plus souvent, dans les parcs et sur les trottoirs, devant les magasins et les restaurants. Comment imaginer leur vécu, le chemin qui les a menés là? Troubles familiaux, violence conjugale, perte d’emploi, consommation, reprise de logement ou hausse de loyer inabordable, ou même un petit 200$ en cadeau pour quitter trop tentant quand tu es dans le besoin… Mais après, c’est la rue, trop souvent synonyme d’exclusion sociale. Une fois qu’on a mis le pied dehors, réintégrer la société est tout un défi.
En effet, comment réussir cette réintégration quand se trouver un toit, un logis, relève du défi? Selon des données révélées en juin dernier lors du dévoilement des nouvelles priorités régionales de la Mauricie, pas moins de 3880 ménages de notre région avaient, disait-on, des besoins impérieux en matière de logement. Faut-il s’en étonner avec un famélique taux d’inoccupation de 0,4% à Trois-Rivières et de 0,7% à Shawinigan alors que le point d’équilibre s’établit à 3%.
On peut blâmer la lenteur des programmes de développement de logements sociaux, la spéculation immobilière souvent inhumaine, et les incendies de blocs-appartements déjà fragilisés par l’insalubrité, mais qui jettent à la rue encore d’autres personnes souvent vulnérables et sans autre sécurité. N’oublions pas, toutefois, que l’habitation, traditionnellement considérée bien essentiel, est devenu, au fil des décennies de néolibéralisme, un produit financier; autrement dit une machine à profit. Héritage de quatre décennies de néolibéralisme et de politiques à l’avenant, cette conception mercantile de la gestion des logements participe également au phénomène de rareté et aux coûts devenus excessifs de ceux-ci avec des conséquences dramatiques pour nombre de ménages. En somme, cela expliquerait la croissance fulgurante du nombre de personnes aux prises avec la réalité de l’itinérance.
Heureusement, des organismes communautaires changent la donne. Ceux-ci existent et agissent au quotidien, pour accompagner, offrir nourriture, toit, chaleur, et soutenir des êtres qui ne demandent qu’à trouver une place, leur place dans notre société. Rétablir des liens humains, voilà la mission de ces organismes. Un travail absolument essentiel dans le contexte actuel.
Cependant, les fondements d’une véritable politique de l’habitation ne peuvent quand même pas se limiter à compter sur l’apport de la Croix Rouge pour dépanner les ménages à la rue et sur celui de ressources communautaires comme Le Havre pour gérer le phénomène de l’itinérance et ses terribles conséquences humaines et sociales. Que ce soit à Québec ou à Ottawa, là où pourrait se définir cette politique tant souhaitée, l’absence de volonté politique est patente. On préfère proposer quelques mesures, sinon des mesurettes, pour pallier à l’urgence de la situation et pelleter dans la cour des municipalités cette responsabilité étatique avec en prime, leur laisser le soin de gérer les insatisfactions et les mécontentements qu’engendre le peu de moyens qui leur sont octroyés.
Dans les circonstances, il faut saluer le travail et la créativité de ceux et celles qui, au ras des pâquerettes et malgré les obstacles et inconvénients qu’engendre l’absence d’une véritable politique, prennent le problème « à bras le corps » en trouvant des solutions originales et diversifiées permettant de faire sortir de terre des unités de logements tant attendus.
La Canopée, cet immeuble de 179 logements étudiants abordables construit à proximité de l’UQTR avec l’apport de l’entreprise d’économie sociale UTILE (Unité de Travail pour l’Implantation de Logement Étudiant) et une participation financière de l’Association Générale des Étudiants et Étudiantes de l’institution, en est un bel exemple.
Tout comme le projet piloté par la Fédération régionale des OSBL d’habitation de la Mauricie/Centre-du-Québec visant la mise en chantier, dans le Bas-du-Cap, de 12 logements destinés à accueillir des familles à faible revenu.
Digne de mention également, l’implantation aux abords de la rivière Milette à Trois-Rivières du milieu de vie Waska Witcihitowin initié par le Regroupement des Centres d’Amitié Autochtone du Québec avec, à la clé, 40 logements abordables destinés aux membres des premières Nations, et leur famille, poursuivant leurs études postsecondaires ou une formation aux adultes.
Cela dit, la situation actuelle demande des actions et des réalisations concrètes. Les pistes ne manquent pas pour alléger la situation des ménages, familles ou individus, en quête de logement abordable : registre des loyers, récupération et conversion de bâtiments abandonnés, conversion en logements d’espaces publics inutilisés, etc. Toutes les solutions sont les bienvenues.
Or, tant que nos gouvernements persisteront à ne voir que le « marché» comme réponse à ce besoin essentiel qu’est celui de « se loger » et que, par conséquent, se poursuivra la financiarisation de ce qui devrait être considéré comme un droit humain fondamental auquel l’État doit apporter les réponses appropriées, on n’est ni sorti du bois, ni de la rue ! En attendant que des solutions permanentes soient mises en place, les personnes sans domicile fixe continueront, tous les jours, à lutter pour leur survie, dans la plus grande insécurité.