L’hiver approche et les nuits seront bientôt glaciales. Comment les personnes en situation d’itinérance pourront-elles y faire face ? Entre l’indignation de certain-es et les soupirs d’exaspération des autres, cette question a de quoi faire réfléchir. D’où l’importance de bien comprendre la réalité et les conditions de vie des personnes itinérantes.
On associe souvent l’itinérance à des personnes sans-abri ou sans logement, vivant dans la rue ou dans un abri fragile : c’est ce qu’on appelle l’itinérance visible. Cependant, il existe une autre forme d’itinérance, dite invisible : c’est celle des personnes qui vivent dans des situations précaires et qui doivent par exemple dormir sur un divan chez un ami, dans une voiture ou dans un motel de piètre qualité. Comme l’itinérance invisible est moins facile à mesurer, elle met encore plus à l’écart les personnes qui la vivent.
Selon le dernier recensement, le nombre de personnes en situation d’itinérance visible au Québec avait triplé entre 2018 et 2022, passant de 3 149 à 10 000. [1] Dans la réalité, ce nombre est plus élevé, car de nombreuses personnes passent d’une situation d’itinérance à l’occupation d’un logement, et vice-versa. En Mauricie–Centre-du-Québec, 454 personnes itinérantes étaient recensées en 2022, soit 21 % de plus qu’en 2018. Or, derrière ces chiffres se cachent des drames humains, c’est-à-dire des personnes aux prises avec des problèmes de santé physique et mentale, d’isolement, et parfois sujettes à des formes de rejet.

Photo : Dominic Bérubé / © La Gazette de la Mauricie et des environs
Les causes
L’une des causes de l’itinérance est la hausse du taux de pauvreté, [2] qui est passé de 4,8 % en 2020 à 7,4 % en 2023 au Québec, soit un bond de 54 %. Cette hausse n’est pas étrangère aux multiples cures d’austérité budgétaire survenues au cours des 20 dernières années dans les programmes de la sécurité du revenu (assurance-chômage, aide sociale) et d’aide au logement.
Plus de pauvreté dans un contexte de pénurie de logements sociaux et abordables [3] et une hausse record des loyers rendent la situation encore plus difficile pour des milliers de ménages. À titre indicatif, Statistique Canada évalue qu’un logement typique de deux chambres à Montréal coûte 800 $ de plus qu’en 2019, ce qui correspond à une hausse de 71 %. Cette situation n’est pas étrangère à la vague de spéculation immobilière qui déferle sur le Québec depuis 2020, laquelle consiste à acheter des habitations dans l’unique but de les revendre à profit.
Les coûts de la crise du logement
L’Observatoire québécois des inégalités évalue que le manque de logements abordables coûte à la société 4,2 milliards de dollars par année. [4] Ce coût s’explique par un nombre considérable de ménages qui doivent consacrer au logement une part de leur revenu supérieure au seuil de 30 % recommandé par Statistique Canada et la SCHL. [5] Ce coût étant assumé par la vaste majorité des ménages à revenus faibles ou modestes, il contraint ces personnes à se priver de biens essentiels (dont la nourriture), ce qui augmente ainsi le risque de nuire à leur santé physique et mentale, voire à leur employabilité.
Les solutions
La diminution de l’itinérance passe donc par un réinvestissement massif dans l’accessibilité au logement, c’est-à-dire dans des logements sociaux et abordables, car au-delà de sa fonction d’abri et de refuge, le logement joue un rôle important dans l’équilibre psychologique et social et favorise l’intégration sociale.
Le Québec pourrait s’inspirer de la Finlande, qui mène un combat sans relâche contre l’itinérance depuis 2008 en multipliant les logements subventionnés, de sorte que 15 % des logements sont abordables aujourd’hui. Résultat : le nombre d’itinérant-es est passé de 20 000 dans les années 1980 à 3 800 en 2023. [6]





