Avec le retour des moustiques, il convient de nous rappeler le rôle important que jouent ces insectes dans la nature.

Depuis plusieurs années, les villes de Trois-Rivières, Shawinigan et La Tuque, tout comme plusieurs autres municipalités de la province, octroient des contrats d’épandage du pesticide Bti (Bacillus thuringiensis israelensis) dans les milieux humides et les cours d’eau situés en périphérie des quartiers résidentiels. Ces traitements visent à éradiquer les larves de moustiques et de mouches noires avant qu’elles ne deviennent des insectes adultes qui incommodent les résidents.

Le rôle fondamental des moustiques

Pendant quelques semaines, certaines espèces de moustiques peuvent être agressives envers les animaux à sang chaud, humains et non humains, car leurs femelles piquent pour se nourrir de sang. Cependant, ces millions d’insectes, qui émergent au printemps des mares, marécages et cours d’eau, remplissent un rôle fondamental au sein des écosystèmes. À la base de la chaîne alimentaire, tout juste après les végétaux, ils contribuent à soutenir une panoplie d’autres organismes vivants. Dans les cours d’eau, les larves dégradent la matière en suspension, ce qui la rend disponible à d’autres insectes et aux plantes. Devenus adultes, les moustiques et les mouches servent de proies à une multitude d’espèces d’oiseaux, de poissons, de grenouilles et de chauve-souris, entre autres.

L’éradication des larves : une pratique controversée

L’insecticide Bti utilise une bactérie qui tue la majorité des larves de ces insectes en produisant une protéine qui leur perce l’estomac. Bien que ce produit soit considéré comme non toxique pour les humains et les autres mammifères, son utilisation est de plus en plus contestée.

Des groupes de citoyens, dont la Coalition Biodiversité – Non au Bti, qui regroupe des militants  de plusieurs municipalités incluant Trois-Rivières et Shawinigan, s’inquiètent des effets de l’utilisation à large échelle de ce produit. Christiane Bernier, une résidente de Trois-Rivières, est d’avis qu’on banalise la destruction de la biodiversité : le Bti « détruit un maillon de la chaîne alimentaire utile à plusieurs animaux à une période de l’année où ils en ont le plus besoin pour nourrir leurs bébés. Vous vous dites « pas grave, ils vont manger autre chose». Le problème est qu’il n’y a presque plus ” autre chose “, dû à l’étalement urbain et aux pesticides agricoles.»

Des scientifiques émettent aussi certains doutes quant à l’utilisation systématique du larvicide. Les études d’une chercheure québécoise, Brigitte Poulin, qui exerce dans le sud de la France, ont notamment montré que l’épandage de Bti n’affecte pas seulement les moustiques, mais aussi les larves d’autres espèces d’insectes (telles que les chironomes) qui constituent une grande partie de la nourriture disponible dans les écosystèmes aquatiques.

Le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs du Québec émet également certaines réserves. Dans un document préliminaire d’orientation de 2019, il considère que puisque le Bti peut « causer une réduction importante des insectes visés et non visés par le traitement », le principe de précaution devrait s’appliquer. Il recommande « d’utiliser des méthodes alternatives et économiques pour les municipalités, telles que les pièges à moustiques qui réduisent les densités des moustiques piqueurs localement. »

Or, cette année, 42 municipalités du Québec auraient obtenu un certificat d’autorisation du Ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques pour l’utilisation de Bti sur leur territoire. Christiane Bernier et ses collègues compilent ces données depuis trois ans. En comptant les municipalités qui s’associent aux demandeurs de permis, le Bti serait autorisé dans  63 municipalités de la province. Toutefois, selon les certificats et rapports étudiés par le groupe de citoyens, l’épandage se ferait également dans une quarantaine de municipalités limitrophes. « Par exemple, Trois-Rivières fait épandre à Saint-Étienne-des-Grès, Saint-Maurice et Champlain afin d’assurer l’efficacité du résultat sur son territoire. Si on compte tout ça, la superficie du territoire qui reçoit du Bti au Québec est énorme», déduit madame Bernier.

Redonner sa place au maringouin

Dans son livre Le moustique, par solidarité écologique, le professeur d’entomologie retraité de l’UQTR, Jean-Pierre Bourassa, fait une démonstration éloquente de l’importance de ces insectes dans notre environnement. En outre, les moustiques sont des  « agents de l’équilibre naturel » qui contribuent à enrichir, au point de vue énergétique, les écosystèmes terrestres et humides. Il nous invite à considérer le moustique, « l’une des créatures les plus extraordinaires auxquelles l’évolution ait donné naissance », comme un partenaire. « Ignorer leurs fonctions écologiques, c’est aussi ne pas comprendre les besoins de notre Terre », écrit-il.

La biodiversité est en chute libre dans le monde. Le constat du dernier rapport Planète vivante du WWF est effarant : leur indice révèle « un déclin de 68 % en moyenne des populations d’espèces vertébrées en moins d’un demi-siècle.» Les populations d’espèces vivant dans les habitats d’eau douce ont souffert « du déclin le plus vertigineux, avec une perte de 84 % depuis 1970.» Dans ce contexte, s’il paraît sensé de vouloir réduire le nombre de moustiques porteurs de maladies telles que la malaria et la fièvre dengue dans certaines régions du monde, on peut se questionner sur la pertinence, sous nos latitudes, de perturber l’ensemble de la chaîne alimentaire au nom de notre petit confort personnel.

Un jour, il faudra bien comprendre que l’humain fait partie des écosystèmes et que pour assurer son propre avenir, il devra renforcer la résilience de la biodiversité, et non l’inverse.

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