Par Daniel Landry, juin 2018 Le Canada assure la présidence du Groupe des sept (G7) pour l’année 2018. Rappelons que le G7 est un groupe de discussion et de partenariat économique qui rassemble sept pays faisant partie des plus puissantes économies de la planète (États-Unis, Japon, Allemagne, France, Royaume-Uni, Italie, Canada), ainsi que des représentants de l’Union européenne1. Concrètement, la présidence canadienne signifie que le pays accueille quatre groupes de réunions ministérielles au cours de l’année, qu’il accueille le Sommet dans Charlevoix les 8 et 9 juin prochains et qu’il détermine les principaux thèmes à être abordés. Les coûts de l’organisation d’un tel sommet sont stratosphériques (estimation de 224 millions de dollars selon le gouvernement fédéral) et les enjeux de sécurité gargantuesques, comme en font foi les derniers sommets canadiens de Kananaskis en 2002 et de Huntsville en 2010. Cela étant, au-delà des coûts dont on peut toujours justifier l’ampleur, c’est plutôt la légitimité de l’organisation qui est à remettre en question. En effet, il y a très certainement lieu de se questionner au sujet de la pertinence d’un tel groupe et de tels sommets qui réunissent les économies parmi les plus riches, sans considération pour plus de 85 % de la population de la planète n’en faisant pas partie. Les objectifs communs déterminés par le groupe visent à orienter les grandes décisions économiques. Or, dans les trente dernières années, cela s’est manifesté par une mise en valeur dogmatique du libre marché, même quand cela rimait avec la destruction du filet social de plusieurs pays, au Nord comme au Sud. Pour se rassurer, on peut prendre connaissance des cinq thèmes qui seront abordés dans Charlevoix en juin : l’investissement dans la croissance économique pour tous, la préparation aux emplois d’avenir, la promotion de l’égalité des sexes, le travail à l’égard des changements climatiques et la construction d’un monde plus pacifique et plus sûr. Difficile d’être contre de telles orientations, on en conviendra. Mais tout aussi difficile de concevoir pourquoi seuls sept pays devraient orienter la planète économique sur ces questions. Qu’en est-il des puissances émergentes comme la Chine, l’Inde ou le Brésil? Comment compte-t-on considérer le continent africain dans les enjeux économiques et cesser les pratiques néocoloniales? Et surtout, quelle place souhaite-t-on accorder à la société civile dans tout ce processus d’orientation de l’économie mondiale? Le G7, c’est l’incarnation de pratiques oligarchiques (ploutocratiques même) basées sur trois mythes de plusieurs de nos dirigeants : – se croire légitimes – se croire éclairés – se croire tout-puissants. Dans sa forme actuelle, le G7 est périmé et manque de transparence. Il renvoie l’image manichéenne d’un monde divisé entre une élite politique et un peuple (plus ou moins soumis, c’est selon). Au lieu de perpétuer cette image sombre et ce cirque onéreux année après année, il serait temps de songer à donner une voix réelle aux citoyens qu’on tient à l’extérieur des barricades (intellectuels, experts, militants, travailleurs). Ceux-ci soulèvent depuis des années des questions d’une acuité et d’une pertinence incontestables. Comment, dans chacun des pays, légiférer pour contrer l’évasion fiscale? Comment promouvoir la sortie de la pétroéconomie pour les entreprises du monde entier? Comment coordonner des politiques pour favoriser l’accès à des salaires et conditions de travail décents pour tous? Comment favoriser l’insertion des femmes sur le marché du travail? Comment répondre aux défis socioéconomiques liés aux réfugiés politiques et climatiques? Ces questions ne peuvent se résoudre en huis clos.
À NE PAS MANQUER
Une heure sur le G7
Une conférence de Daniel Landry et Alain Dumas
Le jeudi 7 juin à 17h30, au Café-bar le Zénob