Un texte de Johanne Rocheleau – Comité de coordination de Terre précieuse
Lorsque j’étais à l’école secondaire, le professeur de musique nous avait dit que, de tous les arts, c’était l’opéra qui était le plus grand ! On y combine de la musique, du théâtre, des chansons, de la danse, des costumes, des décors, etc. Les milieux humides, c’est un peu comme le grand art de mère Nature. Elle y combine des étangs, des marécages, des marais, des ruisseaux, des rivières, des tourbières, des végétaux et des animaux. Laissez-moi vous parler de ceux qui se trouvent au carrefour des autoroutes 40 et 55, qu’on appelle communément le Carrefour 40-55.
Qu’est-ce qui se trouve au Carrefour 40-55 ?
En fait, on le sait, mais de manière approximative… La dernière fois qu’on en a fait l’inventaire, c’était lors d’un bioblitz organisé en 2013 [1] par l’Organisme des bassins versants des rivières du Loup et des Yamachiche (ou OBVRLY) pour le bassin versant de la rivière aux Sables.
- Un bioblitz, c’est l’inventaire intensif de la flore et de la faune dans un espace précis, pendant une courte période [2] (un ou deux jours).
- Le bassin versant de la rivière aux Sables [3], c’est tout le territoire qui alimente et englobe cette rivière. Elle prend sa source dans les milieux du Carrefour 40-55, près de l’aéroport, et se jette dans le lac Saint-Pierre, à 18 km au sud, à Pointe-du-Lac, là où les sols sont sablonneux.
La rivière aux Sables se trouve dans cette zone avec le ruisseau Saint-Charles, réputé pour son omble de fontaine, aussi appelé truite mouchetée. [4] On y trouve aussi :
- Un étang. Il s’agit d’un milieu humide d’environ deux mètres de profondeur, qui peut s’assécher en été. Il contient des plantes qui flottent et d’autres qui sont submergées. C’est le paradis des oiseaux aquatiques (canards, oies, mouettes, goélands) et des grands oiseaux de rivage (hérons, butor et bécasseaux) qui y nichent, s’y reproduisent et s’y nourrissent. [5]
- Des marais. C’est le milieu humide où on retrouve les quenouilles, les grandes fougères, les plantes herbacées. Les arbres et les arbustes occupent moins du quart de leur superficie. Il y a peu d’eau à la surface des marais et ils sont souvent à sec en été. Malheureusement, des plantes envahissantes exotiques (renouée du Japon, berce du Caucase, etc.) viennent s’y installer et menacent nos belles quenouilles !
- Des marécages. C’est l’endroit où on retrouve plus de 25 % de la superficie occupée par des arbres sur un sol minéral qui se compose de sable, de limon, d’argile et de gravier.
- Des tourbières. Ce sont de véritables trésors ! Les tourbières se composent de matières organiques partiellement décomposées que sont les mousses de sphaigne, le carex et les restes de nombreuses plantes. Il faut 10 ans pour faire un centimètre de tourbe. [6] Ici, on ne parle pas de pelouse, que plusieurs confondent avec la tourbe : une tourbière est un système gorgé d’eau qui peut avoir 20 mètres de profondeur !
Les milieux humides constituent un espace de transition entre les environnements aquatiques et terrestres. Ils agissent comme une éponge géante vivante qui absorbe et relâche de l’eau au fil des saisons, selon les besoins de l’environnement. Lors du dégel ou de fortes pluies, ils contribuent à absorber les surplus d’eau et à les retenir. Cela évite que soient inondées les terres environnantes, de l’autoroute 40 au lac-Saint-Pierre. En plus de servir d’habitat à 733 espèces animales et végétales [7], les milieux humides du Carrefour 40-55 régularisent le climat, captent les gaz à effet de serre, stockent le carbone, filtrent l’eau et les matières polluantes. Ils diminuent les risques d’inondations, rechargent les nappes phréatiques et stabilisent les sols. Ils maintiennent l’approvisionnement en eau, contrôlent l’érosion, l’azote et le phosphore. Leur destruction, même partielle, compromet leur efficacité et entraîne des conséquences négatives pour l’environnement comme pour nous.