La saison qui débute pour le Théâtre des Gens de la Place (TGP) marque les 30 ans de la troupe de théâtre trifluvienne. Pour lancer la programmation, le TGP présente la pièce Mme Pylinska et le secret de Chopin, adaptée d’un roman d’Éric-Emmanuel Schmitt, à la salle Louis-Philippe-Poisson de la Maison de la culture de Trois-Rivières.
360 degrés autour de Schmitt
Au moment même d’entrer dans la salle Louis-Philippe-Poisson, la table est mise pour une expérience de théâtre différente. On s’assoit sur l’un des sièges disposés en carré autour d’un imposant objet couvert d’un drap. Le choix scénographique de placer ainsi le public s’avérera judicieux, d’autant plus que de voir de chaque côté les réactions de l’auditoire ajoutera une touche de complicité à la soirée.
Une fois les lumières éteintes et le message d’avertissement d’usage annoncé, Patrick Lacombe, interprète du personnage d’Éric – et portant également les chapeaux de metteur en scène et scénographe –, s’avance au centre de la pièce pour introduire les mots que l’on trouve en incipit du roman du même nom.
Puis, moment enchanteur : Éric retire le drap pour révéler, non pas un piano authentique, mais un squelette doré en tuyaux de cuivre qui y fait joliment allusion. Pendant la pièce, la structure sera déplacée, grâce à des roulettes, aux quatre coins de la salle Louis-Philippe-Poisson, y compris à une occasion marquante où Éric jouera et où le piano sera poussé autour de lui tel la pointe d’un compas.
Des interprétations contrastées
Puis, il y a l’apparition lumineuse de cette tante, Aimée (lumineuse, à la fois au sens figuré et au sens propre, l’éclairage de Luc Levreault donnant un air angélique à la comédienne Michèle Leblanc), qui marche nu-pieds sur le sol dépouillé. Aimée vient jouer du Chopin et ça y est ; Éric tombe sous le charme. Il lui faut apprendre Chopin. Aussi brefs que soient ses passages, Leblanc marque par sa douceur et la tendresse de son sourire.
Entre ensuite en scène Mme Pylinska, intransigeante professeure de piano polonaise, avec qui Éric entamera non seulement des leçons de piano, mais aussi des leçons de vie. Le jeu de Linda Leblond en tant que Mme Pylinska se fait par moments cocasse comme il se doit, par moments un peu plus excessif et brusque que nécessaire, avec des transitions d’états d’âme assez soudaines. Leblond possède en revanche à la fois l’éclat de folie et de sagesse qu’il faut afin de rendre attachante cette dame aux foulards et pantoufles tape-à-l’oeil.
Ce style de jeu dresse un contraste notable par rapport à celui de Lacombe, jouant un Éric posé, égal et délibéré, force stable dans la pièce alors que Leblond jongle avec cet accent polonais approximatif et ces perles de dialogue – « J’ignore si vous méritez que je m’allonge! », s’exclame-t-elle alors qu’elle fait s’allonger Éric sous le piano pour en sentir les vibrations.
Cueillir les fleurs et les notes de musique
Du côté de la mise en scène, plusieurs moments phares réjouissent le public. Évidemment, le dévoilement du piano de cuivre, ainsi que ses constants déplacements, mais aussi les projections au sol, qui illustrent de très belle manière chaque chapitre des devoirs que donne Mme Pylinska à Éric, comme celui de cueillir des fleurs sans que celui-ci ne renverse de gouttes de rosée. L’éclairage, chaud et sobre, sait également souligner les scènes sans nous en distraire.
Lire aussi : Des événements célestes pour la rentrée culturelle trifluvienne
L’équipe créative derrière l’adaptation de l’œuvre de Schmitt a bien fait de miser sur une relative simplicité dans les éléments visuels du spectacle, puisque la musique doit absolument être la pièce maîtresse. Or, bien que les morceaux de Chopin étaient bien tissés dans le fil de l’histoire, leur intégration sonore dans les scènes se faisait parfois de manière maladroite et se concluait plutôt rapidement. Des fondus plus progressifs à l’entrée et à la sortie des moments clés auraient été de mise. Ceci dit, la grande quantité d’extraits joués et la précision que requiert ce genre de travail n’est pas à sous-estimer.
Inspiré et plaisant
L’adaptation trifluvienne de Mme Pylinska et le secret de Chopin par le TGP se résume en somme comme une présentation inspirée et plaisante d’un classique de Schmitt, avec des jeux incarnés quoique contrastés dans leur énergie ainsi que des éléments scénographiques poétiques. À l’instar du personnage principal, on en ressort avec un peu plus de folie et de sagesse qu’à l’entrée.