Valérie Deschamps – Chronique estivale mauricienne 2020
Dans les derniers mois, les mots « achat local » ont résonné au sein de la population. Cette vision de plus en plus populaire a permis à certains producteurs et productrices d’ici de faire émerger certains projets qui mijotaient depuis quelque temps. C’est notamment le cas de Shad Ferron. Portrait d’un agriculteur d’ici, portrait d’un fermier de famille.
« Ce n’est pas comme une job, c’est vraiment comme un mode de vie », explique Shad Ferron. Ayant repris le flambeau de la ferme familiale il y a 20 ans sur le chemin des Caron à Yamachiche, l’agriculteur a décidé d’y mettre sa petite touche personnelle, d’adapter le modèle d’agriculture familial à ses valeurs. Pour lui, vivre en harmonie et en relation avec les autres êtres vivants sur ses terres est primordial. « Je fais partie de ce monde-là. Je ne suis pas au-dessus. La ferme est vraiment un milieu de vie. Moi je m’occupe des plantes, des animaux et eux prennent soin de moi. Tant les abeilles, les ruches, la trentaine de vaches que les oiseaux qui sont dans les arbres ». Autrement dit, c’est un environnement qui évolue au fil du temps et à travers les projets d’agriculture de proximité qui trament dans la tête de l’agriculteur.

Shad Ferron, agriculteur de Yamachiche et fermier de famille – Crédits : Caroline Chartier
Fermier de famille
La situation des derniers mois a servi à Shad. Il a pu en profiter pour mettre en branle certains projets. « Il y a une prise de conscience, un engouement pour l’achat local. C’est grâce à ça que j’ai décidé de donner une go à mon potager qui se voulait au départ un potager d’autosuffisance. L’idée de nourrir la collectivité a toujours fait partie de mes projets. Là, c’est devenu concret », explique-t-il.
Dès le début du mois d’avril, celui qui est aussi artisan forgeron et animateur lançait le groupe Facebook « Shad le fermier de famille » qui compte aujourd’hui plus de 300 abonnés. « Ça ne fonctionne pas par commande ou par panier. Je présente sur le groupe ce que j’ai pour cette semaine et les gens sont invités à m’écrire et à passer pour ramasser leurs produits », précise le fermier. Les gens sont parfois invités à venir cueillir eux-mêmes leurs aliments, à même le potager de Shad. « Parfois, j’arrive chez moi. J’ai un petit mot qui me dit « merci ! ». Il y a des sous dans une enveloppe et il me manque de la laitue et des oignons, par exemple. C’est ça, être fermier de famille. C’est de nourrir des familles ! » s’exclame- avec fierté.
De plus, Shad est en plein projet pilote avec l’école de Parachute Voltige où il vend aux membres de l’équipe régulière ses produits. En échange, il obtient de pouvoir faire des sauts. Pour lui, l’objectif n’est pas de faire des profits ou de devenir une plus grosse ferme, mais bien de se nourrir lui-même et nourrir les gens qui l’entourent avec des produits de qualité et de proximité.
Fermier de proximité à l’année
Par ailleurs, pouvoir progresser vers l’autonomie alimentaire quatre saisons ainsi que d’étendre son offre de proximité à l’année figure parmi ses projets. L’annonce faite par le gouvernement dans les dernières semaines concernant les tarifs préférentiels d’hydro-électricité pour les petits producteurs maraîchers en serre lui permettrait de réaliser ce projet. « Ça permettrait d’étirer la saison. Ce n’est pas normal qu’au Québec, ça coute moins cher de chauffer sa serre au mazout qu’à l’électricité. On va pouvoir cultiver des légumes 10 mois par année. On est capable, on a l’expertise pour ! » affirme-t-il.
« Ça permettra aussi à la population d’apprendre à se nourrir avec des légumes de saison, avec ce que l’on produit ici. L’humain est le seul être vivant qui ne peut pas se nourrir seul. Il faudrait que tout le monde puisse combler ses besoins de base. C’est ça, l’agriculture de proximité, d’autosuffisance. C’est important », ajoute le fermier. Et quand on lui demande s’il croit que l’avenir réside dans les petites fermes de proximité, c’est sans équivoque. Il faut mettre un terme à la dépendance au système. La collaboration, les échanges et la collectivité se doivent d’être au cœur des préoccupations. « Moi, je ne manquerai jamais de bouffe. Il faudrait que ce soit le cas pour tout le monde ! », fait valoir Shad.
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