On apprenait récemment que les quelque 13 000 membres du personnel des Centres de la petite enfance affilié-es à la CSN n’ont plus de convention collective depuis le 1er avril 2023. Les négociations sont ardues de sorte que le Conseil du trésor leur a soumis une 2e offre (la première remontant à mai 2024) « dans l’intérêt des parents et des enfants», dixit Sonia Lebel. Pourtant, c’est le personnel des CPE qui est au cœur du fonctionnement des services de garde.

Reportons-nous en 1991. Cette année-là, la Commission Bouchard, du nom de son président, le psychologue Camil Bouchard, publiait son rapport intitulé Pour un Québec fou de ses enfants. Ce groupe de travail posait ainsi les jalons de ce qui allait devenir plus tard les services de garde à la petite enfance, tout en recommandant une politique préventive pour la protection des enfants et des adolescent-es. L’approche communautaire constituait, selon les auteur-es, l’avenue à privilégier face aux défis à relever étant donné qu’elle fait appel à la concertation et qu’il fallait tenir compte de l’environnement social des jeunes.

Bien avant le rapport Bouchard de 1991, l’histoire des services de garde à l’enfance du Québec s’était enrichie, au cours des années 1970, de l’émergence de garderies mises sur pies grâce à des projets communautaires. On en recensait 70 en 1973, mais leur existence demeurait précaire en raison d’un financement déficient. Cette année-là, il y avait aussi 9 000 places pour 50 000 femmes sur le marché du travail. C’était l’époque également où plusieurs groupes de femmes ainsi que des regroupements communautaires revendiquaient des services de garde financés par l’État.

La création des Centres de la petite enfance (CPE) en 1998 a marqué le début d’un service public et universel mais aussi l’apparition d’un programme éducatif axé sur l’apprentissage et la socialisation des enfants. Pauline Marois, l’instigatrice du projet, a alors puisé dans l’expérience des garderies communautaires des années 1970. Par ailleurs, l’évolution des services publics de garde ne s’est pas faite sans embûches. Par exemple, les autorités ont décidé, à certains moments, de ralentir la progression du nombre de places disponibles et de privilégier les garderies privées. Quant à la rentabilité sociale et économique de ce programme de places à contribution réduite, l’étude de la Chaire en fiscalité de l’université de Sherbrooke (avril 2012) et celle de Pierre Fortin (mars 2017) la prouve aisément.

Aujourd’hui, il existe au Québec 300 000 places en garderie, partagées entre les CPE, les garderies privées subventionnées, les garderies non subventionnées et le milieu familial avec ou sans subvention. Le tiers de ces places se retrouve au sein des CPE. Même si le nombre de places en CPE est passé de 39 000 en 1998 à 109 000 en 2024, les attentes demeurent encore élevées. Ainsi, en août 2024, plus de 28 000 enfants étaient en attente d’une place. Le modèle des CPE, tout aussi innovateur qu’il était lors de sa création, bat de l’aile aujourd’hui. Pourquoi ?

Les raisons sont multiples. Dans son plan stratégique 2019-2023, le ministère de la Famille s’engageait à ce que le taux de réussite des services de garde pour la qualité éducative soit de 82 %. Or, dans un rapport de la Vérificatrice générale du Québec publié en 2024 et ayant été réalisé à la suite d’une enquête (audit de performance) effectuée d’avril 2019 à novembre 2022 auprès de 1653 installations de services de garde, on constate que ce ratio n’était que de 71 %. Il dépassait à peine 40 % pour les garderies privées, subventionnées ou non, tandis que pour les CPE, il avait baissé de 92 % à 79 % au cours de la période de référence.

La détérioration de la qualité des services de garde concerne aussi d’autres aspects. Dans ce rapport de la Vérificatrice générale, on signale également que le ratio de deux éducatrices ou éducateurs qualifié-es sur trois n’était pas respecté dans près d’un service de garde sur deux en 2023 contre 32 % en 2018. Cet indicateur renvoie à une pièce maîtresse de la qualité des services qui est liée, selon le rapport, à une cause importante de la baisse de la qualité des services offerts. Par ailleurs, aucune évaluation de la qualité éducative en milieu familial n’a été effectuée depuis 2003 et aucun échéancier n’a été fixé pour une mise à jour.

Mais comment améliorer la qualité des services de garde au Québec ? Les recommandations du rapport ont fait l’unanimité parmi plusieurs intervenant-es, que ce soit les syndicats, l’Institut national de la santé publique ou l’Observatoire des tout-petits (un organisme qui a pour mission de communiquer l’état des connaissances afin d’éclairer la prise de décision en matière de petite enfance au Québec). Il faut d’abord se retrousser les manches pour résorber la pénurie chronique de personnel éducatif. Le relèvement des salaires et des conditions de travail est nécessaire pour favoriser l’attraction et la rétention du personnel. La formation du personnel est un autre élément majeur à considérer, en lien, par exemple, avec l’accueil des enfants ayant des besoins spéciaux.

La qualité des services de garde s’appuie principalement sur des composantes comme l’aménagement des lieux, l’observation des enfants et les interrelations entre le personnel éducatif, les enfants et les parents. Idéalement, tous les services de garde devraient être dotés d’un programme éducatif (activités de socialisation, apprentissages) et ce programme devrait être évalué régulièrement, ce qui est loin d’être le cas actuellement. Dans son ambitieux plan stratégique 2023-2027, le ministère de la Famille fixe comme objectif de la qualité des services un taux de réussite de 74 %.

Les spécialistes reconnaissent la formule gagnante que sont les CPE. Il faut s’assurer que chaque enfant qui fréquente un service de garde puisse bénéficier d’un environnement convivial et sécuritaire. Et, pour une meilleure réussite encore, l’implication des parents est essentielle, comme le mentionne l’Observatoire des tout-petits.

C’est avec de tels éléments que le Québec pourra commencer à redevenir fou de ses enfants !

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