YASIN AKGUL | Crédits : AFP via Getty Images

Devant les scénarios apocalyptiques du nouveau rapport du GIEC, il devient urgent non seulement de réduire drastiquement l’usage de combustibles fossiles, mais aussi de mettre en place des mesures pour se préparer aux conséquences du réchauffement climatique. 

 

Le groupe de travail numéro 1 du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) vient de mettre à jour ses prévisions, publiées dans la première partie de son sixième rapport d’évaluation. Le dernier rapport du GIEC de cette importance datait de 2014.   

Le document de 1300 pages, produit par 230 scientifiques, entériné par les gouvernements de 195 pays et citant plus de 14 000 références, affirme que l’influence humaine sur l’élévation des températures de l’atmosphère, des océans et de la terre est « sans équivoque ». Les bouleversements du système climatique actuel s’accélèrent et affectent déjà de nombreux phénomènes météorologiques et climatiques extrêmes dans toutes les régions du monde : vagues de chaleur, fortes précipitations, sécheresses et cyclones tropicaux, entre autres. 

Tous les scénarios envisagés par le GIEC considèrent que la température mondiale continuera à augmenter au moins jusqu’en 2050. Le scénario le plus optimiste, qui considère une production très faible de dioxyde de carbone (CO2) et d’autres gaz à effet de serre, prévoit que le réchauffement est « très susceptible » de dépasser de 1,0 °C à 1,8 °C la moyenne de température de l’ère préindustrielle, d’ici la fin du siècle. Le scénario le plus pessimiste prévoit un réchauffement entre 3,3 °C et 5,7 °C pour la même période. La dernière fois que l’augmentation de la température à la surface de la planète a dépassé 2,5 °C, c’était il y a plus de 3 millions d’années.

Des impacts étendus et diversifiés au Québec

Selon Caroline Larrivée, directrice de la programmation scientifique du consortium Ouranos, « les impacts liés aux changements climatiques vont affecter toutes les régions du Québec et tous les secteurs d’activité. Le Québec est immense et ses régions ont chacune leurs spécificités et leurs défis particuliers », indique-t-elle. 

En outre, les régions nordiques subiront le dégel du pergélisol ; les régions côtières connaîtront une érosion des berges et des problématiques de submersion ; les régions urbaines vivront des problèmes liés à la chaleur et aux pluies intenses, aggravés par certains aménagements. Les milieux ruraux verront leurs principales activités socio-économiques, telles que la production agricole et la foresterie, perturbées par les conditions climatiques. Les milieux naturels seront aussi inévitablement touchés. 

Accélérer l’adaptation

Les changements climatiques exposent donc les économies régionales, les populations, les écosystèmes et les infrastructures à de graves risques. « Le Québec doit s’assurer de réduire les émissions de GES afin d’éviter un emballement climatique majeur à long terme, mais également mettre en œuvre des solutions d’adaptation pour apprendre à vivre dans la nouvelle réalité climatique qui s’installe », souligne Alain Bourque, directeur général d’Ouranos. Selon Caroline Larrivée, il est possible dès maintenant d’agir à plusieurs niveaux.

Prévenir les impacts sur la santé publique

Sur le plan de la santé publique, la population doit être sensibilisée aux enjeux et aux comportements que chaque individu peut adopter pour limiter l’ampleur des impacts dus au réchauffement. « Une population qui est mieux informée aura une perception plus juste des menaces et sera en mesure de se préparer adéquatement », estime la scientifique. Les villes peuvent notamment mettre en place des systèmes d’alerte qui visent à aviser les citoyens des épisodes de chaleur. Elles peuvent aussi mettre à disposition des espaces publics où aller se rafraîchir, question de prévenir les hospitalisations et les décès dus aux coups de chaleur. Il en va de même pour des systèmes d’accompagnement post-catastrophe qui peuvent être développés pour limiter l’ampleur des conséquences (décès, pertes financières ou interruptions de services) liées aux inondations ou à l’érosion des berges. De tels systèmes aident aussi les intervenants à prendre des décisions éclairées quant au déclenchement des mesures de prévention et d’urgence. Par ailleurs, nous pourrions mieux former les intervenants de la santé à détecter les symptômes associés à des maladies qui vont se répandre à mesure que le climat se réchauffe, telle que la maladie de Lyme, transmise par la tique.    

Repenser l’aménagement du territoire et les infrastructures

Au niveau de l’aménagement du territoire, nous devons faire en sorte de moins nous exposer aux zones de risque, notamment en changeant la vocation de secteurs qui sont actuellement sujets aux inondations. 

Par ailleurs, investir dans des infrastructures résilientes est beaucoup plus rentable sur le long terme. « Lorsqu’on adopte les infrastructures aux changements climatiques, cela les rend plus sécuritaires pour les usagers », souligne Caroline Larrivée, citant en exemple le réaménagement de la rue Saint-Maurice à Trois-Rivières où des espaces de stationnement en bordure de la rue ont été remplacés par des plates-bandes végétalisées pour mieux absorber, capter et filtrer l’eau de pluie. « En plus de diminuer le ruissellement des eaux pluviales, cet aménagement aide à recharger la nappe phréatique et diminue l’effet de l’îlot de chaleur dans cette zone de la ville. Tant qu’à procéder à la réfection d’une rue, aussi bien l’adapter tout de suite aux futures conditions. Il y a toujours plusieurs co-bénéfices aux mesures d’adaptation qu’on peut mettre en place », fait-elle valoir. 

Protéger la nature et s’appuyer sur les services écologiques

Les éléments naturels nous rendent des services écologiques et nous aident à nous protéger contre différents phénomènes météorologiques. À ce titre, pour atténuer les impacts négatifs, les milieux humides et la végétation surpassent en efficacité les structures et les constructions humaines. En outre, les milieux humides peuvent nous aider à absorber les crues printanières, et les milieux végétalisés à diminuer la chaleur. Il convient donc de préserver ces espaces et de multiplier les solutions basées sur la nature, explique Caroline Larrivée.  

Un travail de coordination s’impose 

La directrice de la programmation scientifique du consortium Ouranos est d’avis que « nous ferons face à des situations sans précédent » dans les prochaines années. Afin de poser des gestes pertinents pour adapter la société aux changements climatiques, il est essentiel d’appuyer les prises de décision sur des connaissances solides, telles que celles colligées par le GIEC. Toutefois, pour obtenir des résultats cohérents il faut aussi, selon elle, que les divers acteurs se coordonnent : « Il y a plusieurs enjeux, plusieurs acteurs et plusieurs rôles à jouer. Ces rôles doivent être coordonnés si l’on veut s’assurer que les solutions qu’on met en place ne viennent pas aggraver les problèmes pour d’autres groupes de population ou d’autres secteurs d’activité », précise-t-elle.  

 

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