Alain DumasAlain Dumas, mars 2021 La pandémie a mis en évidence non seulement les inégalités économiques, mais aussi les disparités accrues entre les hommes et les femmes dans le marché du travail. Si, par le passé, les crises affectaient davantage les hommes que les femmes, c’est tout le contraire qui se produit dans la crise actuelle. Comme le montre le tableau 1, la baisse de l’emploi entre février 2020 (avant la crise) et janvier 2021 a été plus grande chez les femmes que chez les hommes, tant au Canada (-5,7 % contre -4,0 %) qu’au Québec (-7,1 % contre -4,6 %). En nombre, les femmes ont encaissé 58 % des pertes d’emplois au Canada et au Québec depuis le début de la pandémie. Le constat est encore plus accablant chez les jeunes femmes (15-24 ans), où la chute de l’emploi fut beaucoup plus forte que chez les jeunes hommes, tant au Canada (-19,7 % contre -12,9 %) qu’au Québec (-23,7 % contre -19,5 %), entre février 2020 et janvier 2021.

Tableau 1: Variation de l’emploi selon le sexe

Des emplois plus précaires

Si les femmes sont plus beaucoup touchées que les hommes du côté de l’emploi, c’est parce qu’elles occupent une plus grande place dans les secteurs fortement touchés par la crise, comme les commerces, les restaurants et l’hôtellerie, qui sont caractérisés par des emplois à temps partiel et à faible salaire. Depuis le début de la pandémie, les emplois à temps partiel représentent 95 % des pertes d’emplois au Québec. Et puisque le quart des femmes travaillent à temps partiel (contre 16 % chez les hommes) et que 75 % des pertes d’emplois à temps partiel concernent les femmes, cette baisse témoigne donc d’une précarisation accrue des emplois déjà précaires chez les femmes. Cette situation est d’autant plus inquiétante que les chiffres récents de 2021 montrent une détérioration encore plus importante de l’emploi chez les femmes que chez les hommes. À titre d’exemple, les pertes d’emplois à temps partiel des jeunes hommes ont été compensées par une hausse de l’emploi à temps plein, tandis que les jeunes femmes sont perdantes dans les deux catégories.

Repli historique de la participation féminine

La situation du chômage chez les femmes jette une autre ombre au tableau de l’emploi féminin. En regardant les statistiques officielles du chômage en janvier (voir le tableau 2), on serait porté à croire que la situation est meilleure chez les femmes que chez les hommes, étant donné que le taux de chômage officiel des femmes (8,6 %) est inférieur à celui des hommes (9 %).

Tableau 2 : Les taux de chômage au Québec, Janvier 2021

Or, cet écart cache une détérioration de la participation des femmes sur le marché du travail. Pour être considérée comme une chômeuse officielle, la personne concernée doit rechercher activement un emploi. Or, les perspectives d’emplois des femmes sont tellement plus déprimées depuis des mois, que plusieurs d’entre elles ont tout simplement cessé de chercher activement un emploi. Elles ont donc été retirées du nombre de chômeuses officielles, d’où la baisse mécanique de leur taux de chômage officiel. Conscient de cette situation, Statistique Canada calcule un taux de chômage ajusté, qui donne un portrait plus juste du chômage réel. Pour y arriver, on tient compte des personnes sans emploi qui ne cherchent pas de travail, mais qui veulent travailler, ainsi que des personnes qui travaillent moins de la moitié de leurs heures habituelles, pour des raisons liées à la crise sanitaire. Cet ajustement change complètement le tableau du chômage des personnes concernées, et plus particulièrement chez les femmes. Contrairement au taux officiel qui les place dans une situation avantageuse, les femmes voient leur taux de chômage ajusté à 11,3 %, ce qui est supérieur à celui des hommes qui s’établit à 9,8 %. Cet ajustement du taux de chômage témoigne d’une dégradation accrue de la participation féminine au marché du travail. En effet, depuis le début de la pandémie, près de 50 000 femmes ont cessé d’être actives au Québec, ce qui est largement supérieur à la baisse de 10 000 chez les hommes. Cette baisse est tellement forte que le taux de participation des femmes au marché du travail est à son plus bas depuis trente ans. Ce portrait inquiétant de la place des femmes dans le marché du travail justifie des actions vigoureuses de la part des gouvernements. Toutes les études montrent que plus l’exclusion du marché du travail dure longtemps, plus les personnes concernées se déqualifient, ce qui rend encore plus difficile leur réinsertion à l’emploi. Ce constat est d’autant plus vrai que le marché du travail connaitra des transformations importantes après la crise actuelle. Des mesures spécifiques doivent donc être posées rapidement : d’une part, en assurant un soutien financier constant, et d’autre part, en offrant des formations spécifiques qui favorisent le renouvellement des qualifications professionnelles.

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