La Gazette de la Mauricie, en collaboration avec le Pôle d’économie sociale de la Mauricie et la Caisse d’économie solidaire Desjardins, vous présente la série Cap sur l’innovation sociale. Dans chacune de nos parutions jusqu’en juin 2018, nous mettrons en lumière un projet ou une initiative entrepreneuriale réalisée qui répond de façon originale à un besoin de notre collectivité. Voici le premier d’une série de neuf articles qui accompagnent autant de capsules vidéo diffusées sur notre site gazettemauricie.com. Steven Roy Cullen, octobre 2017 On la déteste. On la qualifie de « mauvaise herbe ». Pourtant, elle possède des vertus insoupçonnées par la majorité d’entre nous. « Elle », c’est l’asclépiade, familièrement appelée le « petit cochon », ou surnommée le « soyer du Québec » par les agriculteurs de Mékinac que nous avons rencontrés. Il faut avoir de l’audace pour tenter la culture commerciale de l’asclépiade. Des visionnaires ont bien essayé de la cultiver au début du 20e siècle, mais sans succès. Depuis, quelques recherches ont été menées, mais les méthodes de culture n’ont jamais été éprouvées à l’échelle commerciale. Comment expliquer alors qu’un petit groupe d’agriculteurs de la Mauricie a tout de même souhaité se lancer dans cette production ? Le marché « Ce qui intéresse les agriculteurs dans la production du soyer du Québec, c’est vraiment tout le potentiel du marché de matériaux techniques », explique Daniel Allard, président de la Coopérative Monark. La fibre des follicules d’asclépiade peut, par exemple, remplacer adéquatement le fil tiré du ver à soie, et constitue un excellent absorbant pétrolier écologique.
Voilà qui aurait suffi à susciter l’intérêt, mais les vertus de la fibre d’asclépiade ne s’arrêtent pas là. « Un énorme marché, c’est celui des isolants thermiques. La soie remplace avantageusement le duvet au niveau des performances », rajoute Daniel. Pas surprenant, dans ce contexte, de voir les industriels saliver au point où la demande surpasse largement l’offre. Rappelons que toutes les tentatives de culture commerciale à ce jour ont échoué. Comment alors ces agriculteurs de la Mauricie pensent-ils réussir à combler cette demande avec succès et rentabilité ? Le modèle coopératif pour innover La force du nombre, voilà la solution du groupe ! « Une grande expérience dans le milieu de la mise en marché des produits agricoles nous a rapidement fait penser que si on agissait en amont, on risquait d’éviter de sérieux problèmes », souligne Daniel. C’est ainsi qu’en 2013 est fondée la Coopérative Monark. « À l’époque, il y avait un seul producteur. C’était moi. Malgré tout, les producteurs intéressés se sont regroupés. Le fait de travailler de façon collective a permis de multiplier par cent les essais que je pouvais faire au niveau de mon entreprise », se réjouit-il. « J’ai compris qu’avec 4 hectares démarrés avec les techniques utilisées en culture maraîchère, je ne réussirais jamais cette production-là si je ne changeais pas la façon de faire », explique Daniel. Il fallait donc innover, bricoler et tester. Les essais collectifs ont permis de développer une nouvelle machine pour récolter les follicules d’asclépiade. La coopérative l’a dévoilée au cours de l’été 2017. Malgré ce succès, l’approvisionnement prévisible des clients ne se fera pas demain. Les champs doivent arriver à maturité. De plus, il faut mettre à l’épreuve les techniques imaginées pour le séchage et le transport des follicules d’asclépiade. Précisons que les silos à grains existants ne sont aucunement adaptés à la soie, qui est légère et qui s’envole facilement. Gageons que la Coopérative Monark réussira son pari et surmontera ces difficultés grâce à l’entraide de ses cent vingt‑cinq producteurs membres répartis sur tout le territoire québécois et même au nord-est des États-Unis.