En octobre dernier, mon père est décédé à l’âge de 89 ans des suites d’un cancer. Il a eu de la chance. Son pronostic de moins de trois mois lui a valu le droit d’être admis dans une maison de soins palliatifs où il a bénéficié du nec plus ultra des services en fin de vie. Une fin paisible et franchement heureuse que trop peu de personnes peuvent espérer surtout lorsqu’on souffre d’une maladie neurodégénérative. En ce sens, mon père aura gagné à la loterie des maladies.
Ça semble terrible d’écrire une chose pareille. On ne peut souhaiter un cancer à personne. Mais, dans l’état actuel de notre réseau de la santé, un diagnostic de cancer ouvre la porte à d’excellents soins, particulièrement, en fin de vie.
Soyons clairs, les soins palliatifs ne sont pas réservés aux personnes atteintes de cancer. Toute personne qui a reçu un pronostic réservé, c’est-à-dire qu’il n’y a plus espoir de guérison, peut en bénéficier. Dans les faits, toutefois, il existe deux parcours distincts pour les personnes aînées en fin de vie, soit un pour ceux et celles qui meurent plutôt rapidement et un autre pour ceux et celles qui meurent à petit feu.
Le fait de pouvoir prévoir la mort à plus ou moins brève échéance est central dans la détermination des soins palliatifs qu’on reçoit en attendant notre dernier souffle. Dans le cas de maladies neurodégénératives comme l’Alzheimer, il est difficile de prévoir cette échéance. On sait que la mort nous guette, mais on ne sait pas quand elle frappera.
Afin d’être admis dans une maison de soins palliatifs, il faut avoir reçu un pronostic à très courte échéance. À la Résidence de soins palliatifs Teresa Dellar dans l’Ouest-de-l’Île de Montréal où mon père a été hébergé, c’est trois mois d’espérance de vie. À la Maison Albatros de Trois-Rivières et à la Maison Aline-Chrétien de Shawinigan, c’est deux mois.
Lorsqu’on obtient un diagnostic de cancer, on peut espérer finir nos jours dans une maison de soins palliatifs. Par contre, dans le cas d’une maladie neurodégénérative, on doit davantage s’attendre à une fin en CHSLD.
Je ne dis pas que les soins prodigués en CHSLD sont de moins bonne qualité. Je ne doute pas du dévouement du personnel soignant qui s’y trouve, mais le contraste entre un CHSLD et une maison de soins palliatifs est frappant.
En rentrant dans une maison de soins palliatifs, on se sent littéralement chez soi. Les chambres et les espaces de vie commune sont conçus pour ressembler à une véritable maison. C’est un environnement très apaisant. En plus, le ratio personnel/patient permet une offre de soins et services plus adaptée à la réalité des personnes vivant avec une dégénérescence cognitive contrairement à un CHSLD qui ressemble à un hôpital.
Si le cancer n’avait pas pris le dessus sur son trouble cognitif, mon père aurait décliné lentement dans son appartement de RPA avant d’éventuellement aboutir en CHSLD. Son parcours aurait probablement été parsemé de visites à l’hôpital en raison des services limités de la RPA qui, rappelons-le, est souvent une entreprise à but lucratif.
Il m’apparait injuste et inéquitable que seules les personnes avec un pronostic à courte échéance puissent bénéficier du niveau de soins offert dans une maison de soins palliatifs. À mon avis, on devrait tous et toutes avoir accès à ce type de soins dans les derniers instants.
Je suis conscient qu’offrir ces services requiert des ressources plus importantes, surtout, si c’est pour une période plus longue. Mais, il y a lieu de revoir l’organisation des soins aux personnes aînées en fin de vie pour mieux les adapter aux personnes qui ont des maladies neurodégénératives.
Est-ce dire qu’il faudrait construire plus de maisons de soins palliatifs? Pas nécessairement. Je crois qu’il s’agit de mettre en place un écosystème de services organisé en continuum pour que les personnes atteintes de ces maladies soient vraiment bien entourées et accompagnées. Je crois aussi qu’il faut revoir les soins offerts en CHSLD. Si cela prend plus de moyens financiers, je crois qu’en tant que société riche, nous avons le devoir d’offrir les meilleurs soins possibles pour la dignité des personnes aînées.