Yi-Ling CHEN, avril 2018
J’avais déjà entendu le français américain et québécois lors de mes études en France, mais mon premier contact formel avec les particularités québécoises s’est fait à Montréal, alors que je suivais une formation en didactique du français langue étrangère à l’Université de Montréal. Je me suis retrouvée parmi cent vingt professeurs qui venaient des quatre coins du monde dont Taiwan, comme moi, mais aussi du Mexique, de la Colombie, du Vénézuela, de la Russie, de l’Allemagne, de la Roumanie ou de l’Australie.
J’ai vraiment eu un choc culturel dès le début de mon premier séjour à Montréal. Après les classes, c’était l’heure de faire des courses. Quand on apprend une nouvelle langue, tout est dans les nuances. Faire l’épicerie, quelle aventure ! Malheur, à l’entrée, le commis m’a saluée : « Bonjour / Hi ! ». Empressée, je réponds : « Merci. » et le commis me répond : « Bienvenue ! ». À la librairie, le libraire m’a trouvé le livre que je voulais en me disant : « Vous êtes chanceuse, c’est le dernier exemplaire. » au lieu de « vous avez de la chance. ». Il faisait chaud. Au lieu d’une « glace », j’ai acheté une « crème glacée » et « un thé glacé » au lieu d’un « Iced tea ». Dans la rue, je voyais beaucoup de « stationnements », au lieu de « parking ». Un peu plus tôt, j’avais dit « Bon week-end » au professeur et il m’avait répondu : « Bonne fin de semaine. ».
Mais parfois je dois utiliser des mots anglais en français. J’entendais très souvent « boîte à lunch », « il est cute », « une game », « c’est cancellé », « j’ai toujours ma liqueur avec mon repas », « les enfants aiment les balounes », « mettez du gaz », etc. J’avais beaucoup de questions dans cette ville multiculturelle. Cela me prendra toute ma vie découvrir et connaître ces petites différences.
Pendant le stage, les animateurs nous ont fait visiter plusieurs endroits. Je me suis rappelé l’ancienne prison de Pied-du-Courant, près du pont Jacques-Cartier à Montréal. On nous a raconté l’histoire des Patriotes et de leur chef, Louis-Joseph Papineau. J’ai compris que la défense de la langue française était très difficile à cette époque. Enfin, le français est parlé au Québec grâce à la persévérance, à la résistance et au sacrifice du peuple. Quand l’animateur s’est écrié : « Vive le Québec ! », j’en ai très bien saisi l’importance. Le français au Canada est vraiment quelque chose de spécial.
Tout une vie pour l’apprendre… Trois ans après mon stage à l’Université de Montréal, je suis revenue à Montréal avec ma famille. Maintenant, j’ai deux enfants qui parlent exactement comme les Québécois.
Cet été-là, à Montréal, était un moment clé dans ma vie. Moi qui avais cru de m’installer dans mon pays natal, j’ai réussi à immigrer au Canada, avec mon conjoint et mes enfants, à Trois-Rivières, une petite ville que je n’avais vue que sur la carte.
J’ai beaucoup navigué dans la culture québécoise et j’ai aussi fait découvrir à mes enfants des nouveautés qui leur donnent une nouvelle identité. Ils sont désormais sinophones et francophones, taïwanais et québécois. N’est-ce pas merveilleux ?
Au cours des dernières semaines, La Gazette de la Mauricie a offert des ateliers de rédaction journalistique et textes créatifs destinés aux nouveaux arrivants. Ces ateliers avaient pour objectif d’approfondir la connaissance de la langue française et de permettre une plus grande prise de parole des nouveaux arrivants au sein de leur communauté d’accueil. Les apprenants étaient invités à nous soumettre leurs textes d’opinion ou leurs histoires.
Les ateliers étaient offerts dans le cadre du projet Histoires de vie de La Gazette de la Mauricie en collaboration avec le Service d’accueil des nouveaux arrivants de Trois-Rivières, le Comité de solidarité Trois-Rivières et la Société Saint‑Jean-Baptiste de la Mauricie. Ce projet est rendu possible grâce à la contribution financière du gouvernement du Québec.