Chaque mois, notre collaboratrice Isabelle Cossette vous propose des récits de personnes venues d’ailleurs et établies en Mauricie. Ce mois-ci, elle présente le parcours inspirant de Daniel Bial, un universitaire d’une trempe peu commune.

C’est à l’automne 2012, dans un séminaire doctoral à l’UQTR, que j’ai rencontré Daniel. À côtoyer cet universitaire bien dans son élément, je n’aurais jamais pu me douter qu’il mettait pour la toute première fois les pieds en Amérique du Nord. Désormais un acteur bien présent au Département de lettres et communication sociale et à l’École internationale de français de l’UQTR, Daniel inspire par son érudition, son ambition et son indéfectible optimisme.

Une riche formation

Daniel est originaire du Cameroun, un pays d’Afrique centrale qui, comme le Canada, a l’anglais et le français comme langues officielles (en raison, bien sûr, de l’héritage colonial). Il provient de la partie francophone qui, contrairement au cas du Canada, y est majoritaire. Il réalise des études essentiellement en français, oscillant entre plusieurs disciplines.

Sa formation initiale est en science politique. « Au début, je nourrissais le désir d’être diplomate ! », lance en riant celui qui aurait, à mon sens, fait un excellent diplomate. Après un revers, toutefois, il s’inscrit à une maîtrise en science politique orientée vers la communication et l’action publique, dans le cadre de laquelle il analyse des politiques publiques.

Au cours de sa maîtrise, il puise dans la sociologie de l’action publique, et il décide donc, une fois son diplôme obtenu, de faire un baccalauréat en sociologie. Tout au long de celui-ci, il garde contact avec son ancien directeur de mémoire, son mentor ; il l’aide dans ses corrections et sa préparation de cours. C’est dans ce contexte qu’il vit sa première occasion d’enseignement universitaire lors d’un remplacement. Cette expérience l’inspire : « Ça a vraiment fait remonter en moi ce désir-là que j’entretenais déjà de faire carrière dans le milieu académique. »

Dans les mois qui précédent l’obtention de son baccalauréat, avec le soutien de son directeur, il dépose sa candidature et est retenu pour faire une thèse sur l’analyse des politiques publiques. Nous sommes alors en 2020, et soudainement, comme partout ailleurs, la COVID frappe : « Les cours sont arrêtés, la société est bouleversée. » Avec les incertitudes qui entourent désormais les études supérieures au Cameroun, Daniel commence à songer à émigrer pour terminer sa thèse.

Une intégration sereine à l’UQTR

Il se tourne vers le Québec, un choix naturel pour un francophone, et réalise de complexes processus de demande d’admission au doctorat. Il souligne le stress que vivent les étudiants des cycles supérieurs qui viennent de l’étranger dans le cadre de ces processus : « On ne peut pas côtoyer physiquement les enseignants », indique-t-il. En effet, impossible, de l’étranger, de croiser les directeurs ou directrices de recherche convoité-es : « Tout se fait par courriel et c’est compliqué de trouver les mots pour convaincre une direction de recherche d’accepter de te consacrer quatre ou cinq ans. »

Après une longue attente, Daniel décide d’attraper la balle au bond quand il reçoit une réponse positive : celle de l’UQTR. À l’automne 2021, il arrive donc au Québec « avec beaucoup d’optimisme ». Il est rapidement accueilli par sa très sympathique directrice de recherche, qui participe dès lors activement à son intégration. Tout ici diffère de l’université camerounaise, basée sur le modèle européen : les infrastructures, le système de référencement dans les textes, les notes (A+, A, A-, etc. au lieu des résultats sur 20), le découpage des sessions, les approches pédagogiques, le contenu des cours… Cependant, une différence marque Daniel par-dessus tout : l’humilité, l’accessibilité et la disponibilité des membres du corps enseignant, qui entretiennent activement des rapports conviviaux avec les étudiants et étudiantes.

Travailler en étudiant

Dès la première session, la directrice de Daniel le recrute à titre d’assistant d’enseignement, ce qui lui permet de s’immerger dans le paysage universitaire québécois et d’apprivoiser celui-ci, et aussi bien entendu de découvrir la culture québécoise.

Par la suite, Daniel décroche divers emplois au sein de l’UQTR, notamment à l’accueil des étudiant-es venu-es de l’étranger et au service des relations de travail, avant d’obtenir deux charges de cours. Il profite alors d’une grande autonomie et adore son expérience : « C’était vraiment un apprentissage réciproque entre les étudiants et moi-même. »

Il devient ensuite auxiliaire d’enseignement et responsable du programme TCF à l’École internationale de français, poste qu’il occupe toujours. Le TCF, ou test de connaissance du français, est un test obligatoire pour l’immigration au Québec et pour lequel l’UQTR est devenue un centre de passation important. Dans le cadre de cet emploi, Daniel a le plaisir de côtoyer des candidats et des candidates d’origines variées qu’il peut encadrer lors de cette étape importante de leur immigration. Pour lui, une chose est claire : « On est tous capables, quels que soient nos origines et nos profils, de trouver une place dans cette société. »

À la découverte du Québec

Photo : Gracieuseté

Comme tout Africain, Daniel ne connaît pas l’hiver à son arrivée en 2021. Cela dit, ce n’est pas seulement le froid qui l’étonne, mais ce qu’il décrit comme « le basculement des températures » : « Tout l’écosystème se prépare à accueillir et à recevoir l’hiver », indique-t-il poétiquement. « Tous les mouvements doivent alors être soigneusement préparés. »

Interrogé sur ce qu’il pense des Québécois-es, Daniel est sans équivoque : « Si je devais avoir le choix d’une autre nationalité dans une autre vie, je choisirais d’être Québécois. » Il apprécie ce qu’il décrit comme « l’absence de filtre dans l’exposition de soi » : « Généralement, on les aime ou on ne les aime pas, on trouvera rarement une neutralité », explique-t-il en soulignant le caractère authentique de ses contacts avec les gens d’ici, qui se démarquent également, selon lui, en matière d’hospitalité. « Quand on regarde nos voisins américains, on se sent privilégiés au Canada et au Québec. C’est une société qui sait reconnaître le talent et offrir des ressources pour que ce talent puisse s’exprimer et s’exercer. En tant qu’immigrant, on se sent aimé et accepté dans cette société, surtout dans la ville de Trois-Rivières. » Il explique ne jamais ressentir le besoin de porter ses papiers sur lui en tout temps, ne jamais craindre une interception.

Après la fin de ses études, normalement en 2026 (on se croise les doigts !), Daniel ne compte d’ailleurs pas partir. En parlant de Trois-Rivières, il souligne : « C’est une ville où je me projette aisément en tant que responsable de famille. » Rejoint il y a quelques mois par sa conjointe, il se voit tout à fait élever des enfants ici. Il apprécie le caractère sécuritaire de la ville, la variété de ses services, l’absence du brouhaha de Montréal et la proximité de Québec, où il a de la famille.

S’intéressant profondément à la politique, Daniel aimerait se lancer, à terme, en politique municipale et même provinciale. C’est sans aucun doute sa formation étendue en la matière, mais aussi son sentiment d’appartenance qui l’y incitent : « Même si je suis d’origine camerounaise, je me sens profondément Canadien et Québécois », indique-t-il. « Mon cursus et mon expérience pourront être utiles dans la mise en commun des intelligences dans les années à venir », souligne cet expert désireux d’occuper une part active dans la vie publique.

Qu’il parle de ses ambitions ou de n’importe quoi d’autre, une chose est certaine : Daniel est fondamentalement et profondément optimiste. Au moment de conclure notre entrevue, il me lance : « Je crois que ce que nous réservent l’inconnu et l’inattendu est souvent plus élevé que ce dont on pourrait rêver comme ambition personnelle. » Ce qui est certain, c’est que l’avenir est lumineux pour mon cher collègue.

Vous connaissez quelqu’un qui gagnerait à être présenté ? Vous êtes une personne venue d’ailleurs qui souhaiterait être présentée ? Écrivez-moi ! icossette@outlook.com 

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