Réal Boisvert, juin 2020
Le contexte pandémique dans lequel on se démène depuis trois mois a vu resurgir dans l’actualité le militant écologiste et metteur en scène Dominic Champagne. Lui-même frappé par le COVID -19, il n’a pas raté l’occasion de préciser : « Nous vivons dans un monde où nos actions sont en train de compromettre l’avenir de la vie. Et cela doit cesser ». Si un petit virus comme la COVID -19 a la capacité de placer l’économie entière sur pause, dit-il, il faut alors profiter de ce temps d’arrêt pour remettre collectivement l’avenir du monde au cœur de nos perspectives. La pandémie du coronavirus nous invite comme jamais à se retrousser les manches. Et elle nous incite à le faire résolument, en ne ménageant rien pour être à la hauteur de nos espérances. Suggestion de quelques chantiers de travail.
I – La santé.
L’avenir du monde se joue sur plusieurs plans. L’un de ceux-là est sans conteste la manière dont nous organisons nos soins et nos services de santé et en particulier la façon dont on traite les aînés. Le cafouillage qui a eu cours dans les CHSLD nous oblige à mettre en place une profonde révision du mode de gestion du réseau de la santé. « Il est de commune renommée que la réforme administrative intervenue ces dernières années a créé un monstre bureaucratique hypercentralisé qui devra, un jour, être complètement revu », estime Louis Bernard, ex-secrétaire général du gouvernement du Québec. Cela en commençant par abolir les CISSS-CIUSSS eux-mêmes, en les remplaçant par des structures organisationnelles plus souples, plus humaines, mieux averties des caractéristiques et des besoins des personnes et des collectivités. Dans la foulée, il importe notamment de réajuster le tir au regard de la protection de la jeunesse, de la santé publique, de la prévention et des soins de longue durée.
II- L’éducation.
La pandémie nous a montré que le secteur de l’éducation a lui aussi besoin de beaucoup d’amour. Marie-Andrée Chouinard, rédactrice en chef du journal Le Devoir, rappelait à quel point les parents ont traversé toute la palette des frustrations avec l’école : absence de contacts et de directives, enseignement à distance déficient, imbroglio avec les nouvelles technologies, inégalités de traitement selon que les élèves fréquentent les établissements privés, les classes à vocation particulière ou l’école de quartier. À l’évidence la réforme introduite par le ministre de l’Éducation par la loi 40 ne règle en rien la question de la désorganisation apparente du système de l’éducation. Les autorités concernées doivent à tout prix refaire leurs devoirs.
III- la culture.
En ces temps de confinement et de distanciation physique, pour dire le moins, les artistes en arrachent. Saluons la sortie récente de la ministre de la Culture à l’occasion de l’annonce d’une somme de 400 millions pour relancer les lieux de diffusion culturelle. Trop peu trop tard, estiment certains. Quoi qu’il en soit, le temps est venu de prendre acte du fait que la culture est plus qu’une affaire de divertissement et ne se résume pas à l’ouverture de ciné-parcs. La culture doit participer aux grandes priorités de l’État et se voir accorder des ressources humaines et pécuniaires dignes de ce nom. L’ouverture d’un chantier sur la juste rétribution des créateurs culturels au moment où les GAFA de ce monde pillent leurs droits ne saurait attendre.
IV- L’économie.
Ce qui nous amène au développement économique. S’il y a désormais un secteur qui est en appel d’air c’est bien celui-là. Il ne saurait y avoir de retour à la normale nous dit Alain Denault. « La mondialisation productiviste, extractiviste et consumériste, en tant que telle, n’est pas viable. Et l’impératif de croissance financière qui la gouverne ne constitue pas un critère pertinent pour organiser l’activité sociale », nous dit-il. Voilà qui nous oblige de toute urgence à convoquer des états généraux portant sur le déploiement d’alternatives viables au capitalisme.
V- L’environnement.
Nous voilà maintenant de plain-pied dans la question environnementale. On ne compte plus les mises en garde nous rappelant que la mondialisation des échanges, la grande industrie et les rapports marchands sont en train de ravager la planète. Dans ce contexte et paradoxalement, la pandémie du coronavirus se présente comme étant une étape de non-retour. Elle nous force à revoir les règles de l’économie et à concevoir un monde plus juste et plus écologique, plaident de nombreux experts. L’environnement, projet de société? À l’évidence et tout le monde doit mettre l’épaule à la roue.
VI – La souveraineté.
Partout dans le monde on a vu à quel point les pouvoirs publics peuvent faire la différence en matière de lutte contre la pandémie. On a même parlé de la renaissance de l’État-nation après des années des coups de butoir de mondialisation heureuse et de déréglementation. Et le Québec a fait jusqu’à maintenant bonne figure, loin devant les USA et le Brésil. Reste que, que ce soit au regard de la santé, de l’éducation, de la culture, de l’économie ou de l’environnement, le Québec n’a assurément pas tous les leviers nécessaires pour se reconstruire une fois la tempête passée. À l’approche de la Fête nationale, comme on entend partout qu’il faut se réinventer et reconquérir notre autonomie d’action, ne serait-il pas opportun de remettre la souveraineté à l’ordre du jour ?
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