Par le Comité de Solidarité/Trois-Rivières, novembre 2017
« Vieillard sénile », « rocket man », « fou », « malade mental »… Les qualificatifs dont se sont abreuvés Donald Trump, l’imprévisible président américain, et Kim Jong Un, l’énigmatique dirigeant suprême nord-coréen, à l’occasion de leur récent échange d’insultes, donnent l’impression d’assister à un spectacle un peu loufoque. Cet échange infantile n’en est pas moins inquiétant parce qu’il met en présence deux « troublants » personnages ayant le pouvoir de faire usage de l’arme nucléaire… et qui menacent de le faire.
Lors de l’attribution récente du Prix Nobel de la Paix 2017 à la Campagne internationale pour l’abolition des armes nucléaires (ICAN), choix des plus pertinents et particulièrement bienvenu dans le contexte mondial actuel, la présidente du Comité Nobel norvégien affirmait d’ailleurs que « le risque d’utilisation d’armes nucléaires est actuellement plus élevé qu’il ne l’a été depuis longtemps ».
La campagne ICAN, qui regroupe des organisations non gouvernementales provenant d’une centaine de pays, est à l’origine de l’adhésion en juillet dernier de 122 pays membres de l’Organisation des Nations Unies (ONU) à un traité d’interdiction des armes nucléaires devant mener à leur élimination totale. Bien que soutenue par 122 des 192 États membres de l’organisation internationale, l’initiative a toutefois été boudée par les cinq membres permanents du Conseil de sécurité (États-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni), tous détenteurs de l’arme nucléaire. Club sélect auquel s’ajoutent l’Inde, le Pakistan, Israël et, depuis peu, la Corée du Nord.
« Les appels à la retenue lancés par les grandes puissances aux pays tentés de se doter de l’arme nucléaire […] souffrent d’un important déficit de légitimité. »
Les armes nucléaires sont les seules armes de destruction massive à ne pas être encore interdites par un traité international. On estime aujourd’hui à environ 5 000 le nombre d’armes nucléaires qui peuvent, volontairement ou accidentellement, être lancées dans un délai de quelques minutes seulement.
Depuis sa découverte et son utilisation contre le Japon en 1945, les pays qui ont développé ou tenté de développer l’arme nucléaire affirment l’avoir fait pour se prémunir contre une attaque du même genre, certains voulant d’abord assurer la survie de leur régime. C’est précisément le cas du régime nord-coréen.
Deux pays aux dictatures solidement établies ont déjà tenté de se doter de l’arme nucléaire : l’Irak sous Saddam Hussein et la Libye, alors dirigée par Mouammar Kadhafi. Le premier en a été empêché en raison du bombardement de ses installations par Israël, alors que le second y a volontairement renoncé pour « redorer son image » auprès de l’Occident et des États-Unis en particulier. Nul doute que le régime nord-coréen a pris acte du sort réservé à ces dirigeants et à leur régime et renforcé sa conviction que la possession de l’arme nucléaire constitue le meilleur bouclier pour se protéger d’une agression extérieure.
Dans un contexte où se multiplient les interventions étrangères pour faire tomber des régimes adverses (Afghanistan, Irak, Libye, Syrie), où on refuse aux autres pays ce qu’on se permet à soi-même et où au surplus on boude une initiative visant à interdire et éliminer définitivement les armes nucléaires, les appels à la retenue lancés par les grandes puissances aux pays tentés de se doter de l’arme nucléaire et les sanctions imposées à ceux qui se rapprochent du but souffrent d’un important déficit de légitimité.
C’est pourquoi il faut soutenir l’initiative d’ICAN qui va bien au-delà du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires en en proposant une interdiction devant mener à terme à leur élimination totale. Une initiative dont les chances de succès décupleraient si certaines puissances cessaient de se comporter en gendarmes de l’ordre international en menant des expéditions militaires qui contribuent, au contraire, à accroître le désordre mondial.