Derrière la pandémie, il y a une crise environnementale qui s’intensifie et qui aura des implications économiques, sociales et écologiques sans précédent. Les ralentissements que nous avons commencé à apprivoiser en 2020 offrent une piste pour y faire face.

Ce n’est pas la première fois dans l’histoire de l’humanité que les humains sont à la source d’un bouleversement écologique. Dans son best-seller Sapiens, l’historien Yuval Noah Harari remet les pendules à l’heure : depuis une époque aussi lointaine qu’il y a 45 000 ans, bien avant les révolutions agricole et industrielle, chaque colonisation d’un nouveau territoire par l’homme a entraîné des extinctions de masse et la décimation de la mégafaune. L’histoire donne donc de l’homo sapiens « l’image d’un serial killer écologique », écrit-il.

Plus ça change, plus c’est pareil, et nous poursuivons cette œuvre macabre, à la différence que, cette fois, l’humain met maintenant en danger aussi sa propre espèce. En décembre, un collectif de scientifiques et d’universitaires en provenance d’une vingtaine de pays publiait un appel demandant que les décideurs politiques ouvrent le débat sur l’effondrement de la société pour que nous puissions commencer à nous y préparer. La même semaine, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a appelé le monde à « déclarer l’état d’urgence climatique », tous les signaux étant au rouge.

Parler de ces grands bouleversements n’est plus considéré comme catastrophiste. Depuis quelques mois, la collapsologie, un néologisme faisant référence « à l’effondrement de notre civilisation thermo-industrielle et/ou des écosystèmes et espèces vivantes, dont la nôtre », prend sa place dans les médias.

Bien qu’elle rejoigne le mouvement de la décroissance sur plusieurs points, la collapsologie se concentre sur les limites et les différents seuils – dérèglement du climat, dégradation de la biodiversité, rareté de l’eau, etc. – au-delà desquels se produiront un basculement irréversible et un effondrement de l’un ou de plusieurs des systèmes qui soutiennent les besoins de base de la société.

Les ralentissements que nous avons commencé à apprivoiser en 2020 offrent une piste pour faire face à la crise environnementale. – Crédits photo : Dominic Bérubé

Une question de rythme

La société néolibérale ne peut conserver sa stabilité qu’au prix d’une croissance perpétuelle. Pour le sociologue allemand Hartmut Rosa, ce modèle qui vise la marchandisation de toutes nos actions, l’accélération des innovations techniques et la circulation frénétique des capitaux conduit à une « accélération sociale du temps » qui nous entraîne tout droit vers l’épuisement personnel et planétaire.

Tout comme l’a été le grand confinement du printemps, la pause de consommation imposée durant le temps des fêtes pour lutter contre la propagation de la COVID-19 constitue une occasion de ralentir le rythme de nos vies. Sur le plan individuel, travailler moins, consommer moins et passer moins de temps devant des écrans permettent de cesser, par nos actions, de valider la poursuite indéfinie de la croissance débridée et du consumérisme.

Toutefois, à moins de vivre en ermite autosuffisant, il est très difficile, voire presque impossible, pour les individus de se désynchroniser du rythme de notre temps imposé par les logiques économiques et l’organisation du travail. Selon Rosa, il faudrait agir différemment en inventant un autre modèle de société qui résisterait à la dictature de la vitesse.

Après la claque, le réveil ?

Alors que la priorité de 2020 aura été de soigner nos malades et de limiter les dégâts de la COVID-19 sur l’économie, espérons que 2021 nous amènera à regarder la réalité en face pour comprendre que le rythme de nos actions collectives est à la source des évènements difficiles de la dernière année et de bien d’autres à venir.

Pour relever les défis sociaux et écologiques, il faudra nécessairement que notre « retour à la normale » ne veuille pas dire de « continuer à faire comme avant ». En 2021, il y aura vraisemblablement des élections fédérales au printemps et des élections municipales à l’automne. Aurons-nous collectivement la lucidité et le courage de mettre à l’ordre du jour les nécessaires discussions sur la décroissance et l’effondrement ? La révolution structurelle qui pourrait en découler favoriserait immanquablement un rythme de vie mieux adapté à l’homo sapiens et une meilleure capacité d’adaptation de notre société aux perturbations à venir.

L’année 2020 nous aura appris que cela n’est plus facultatif.

 

 

Sources :

ARTE France (2014). L’urgence de ralentir (documentaire).

Hartmut Rosa (2014). Aliénation et accélération. Vers une critique de la modernité tardive.

Harari, Yuval Noah (2015). Sapiens : une brève histoire de l’humanité.

Radio-Canada (21 octobre 2020). « La collapsologie, c’est quoi ? »

Le Monde (10 décembre 2020). « Que les décideurs politiques ouvrent le débat sur l’effondrement de la société pour que nous puissions commencer à nous y préparer ».

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