Un texte de Marie-Pier Quessy, coordonnatrice clinique
Vous avez peut-être déjà ressenti de l’incompréhension en apprenant que des personnes âgées étaient victimes d’agressions à caractère sexuel. De fait, il est encore assez commun de croire que les personnes qui agressent agissent suivant une pulsion sexuelle ou un désir incontrôlable pour leur victime, ce qui ne cadre pas spontanément avec notre perception des « personnes âgées ».
Mais, en réalité, les agressions sexuelles constituent un abus de pouvoir. Il est donc beaucoup plus facile d’abuser de son pouvoir à l’égard de personnes vulnérables, que cette vulnérabilité soit perçue ou réelle.
C’est d’ailleurs pourquoi certaines personnes sont surreprésentées dans les statistiques sur les victimes d’agression à caractère sexuel, notamment les femmes, par le biais des inégalités de genre, du sexisme et du patriarcat. Les chiffres sont encore plus importants lorsqu’il est question de femmes qui présentent des caractéristiques qui les rendent encore plus vulnérables liées à l’ethnicité, à l’orientation sexuelle, à l’identité de genre, à la classe sociale et aux capacités physiques ou cognitives.
Or, l’âgisme fait également partie des systèmes de pouvoir de notre société, qui discrimine les personnes âgées. Celles-ci peuvent donc, elles aussi, subir des agressions à caractère sexuel. Il existe toutefois des particularités relatives à cette problématique sociale.
Les contextes de vulnérabilité
Les personnes aînées sont plus vulnérables parce qu’elles dépendent souvent de leur entourage ou de divers services professionnels, ce qui crée un contexte qui prédispose les abus en tout genre. Celles qui nécessitent des soins corporels sont d’autant plus à risque puisque des gestes à caractère sexuel non consentis peuvent avoir lieu plus facilement en contexte d’intimité.
Cette situation de dépendance offre aussi à la personne qui agresse une plus grande latitude pour contrôler la victime en la menaçant de cesser de lui donner les services dont elle a besoin si elle parle. Si la personne aînée vit avec des troubles cognitifs, les conséquences de la dépendance peuvent devenir encore plus importantes, car, dans le cas d’une agression, la victime pourrait ne pas être crue : son discours pourrait facilement être attribué à la démence. Mentionnons aussi que beaucoup d’aîné-e-s vivent de l’isolement, ce qui augmente leur risque d’être victimes et de ne pas dévoiler ce qu’elles subissent.
Désexualisation et non-désirabilité
L’idée même que la sexualité ne fait plus partie de la vie des personnes vieillissantes contribue à maintenir la croyance que les personnes âgées ne peuvent pas subir d’agression à caractère sexuel. Le biais social de la non-désirabilité des femmes aînées renforce aussi l’idée que ce ne sont que les jeunes femmes qui sont ciblées par les personnes qui agressent.
Des révélations ou des témoignages pourraient donc ne pas être pris en compte, puisqu’on pense que c’est impossible qu’une agression se soit réellement produite. Ou encore, certaines victimes pourraient ne pas en parler par peur de ne pas être crues.
Bien que le vieillissement puisse rendre les relations sexuelles difficiles, soit à cause de la diminution des hormones et des changements corporels, soit à cause de la modification des capacités physiques, il est faux de croire que les aîné-e-s n’entretiennent plus aucune forme d’intimité. De plus, mettre en lien attirance sexuelle et agression sexuelle occulte ce fait capital : les agressions à caractère sexuel sont des abus de pouvoir.
Ainsi, vie sexuelle active ou non, désirabilité ou non, les personnes âgées peuvent subir des agressions. Il est donc important de prendre conscience de nos préjugés, de s’en défaire et de croire les victimes.
Les conséquences
En plus des facteurs liés à la dénonciation des agressions à caractère sexuel, chez les personnes aînées ces agressions peuvent avoir des conséquences sur le vieillissement. Beaucoup de facteurs de stress peuvent influer sur le vieillissement, entre autres les nombreux deuils qu’une personne âgée doit vivre. On peut certainement admettre que le fait de subir une agression sexuelle constitue un important stresseur. Dans ce cas, les facteurs normaux du vieillissement peuvent donc être amplifiés, accentués ou même accélérés.
Que faire ?
Comme dans le cas de toutes les victimes, il importe de croire les personnes âgées et de les soutenir. Si vous avez des personnes vieillissantes dans votre entourage, gardez l’œil ouvert et l’oreille attentive à leurs propos liés à une situation d’agression.
Aux gestionnaires de ressources d’hébergement pour personne âgées, on recommande d’établir des politiques encadrant les comportements attendus et inacceptables au travail, d’offrir de la formation au personnel et d’être à l’écoute également des résident-es.
Que vous fassiez partie des victimes, des proches, des professionnel-les ou des gestionnaires, sachez qu’il existe des ressources – comme les CALACS – pour vous soutenir !