Valérie Deschamps – mars 2020
(Titre extrait de la chanson Du pain et des roses, Hélène Pedneault et Marie-Claire Blais)
Depuis l’an 2000, aux cinq ans, des femmes de partout sur la planète marchent par milliers. Les paroles de la chanson thème de cet événement l’énoncent : « Femmes de fougue, femmes de courage. Femmes de solidarité. Femmes à l’œuvre et femmes en marche. Certes, la première Marche mondiale des femmes remonte à l’an 2000, mais elle tire ses origines de la fin du XXe siècle.
Un contexte socio-économique difficile
Les années 1980 sont à des années lumières des Trente glorieuses : coupures budgétaires et mesures d’austérités seront au menu. Ici comme ailleurs, le néolibéralisme s’installe dans les sociétés et les politiques gouvernementales. Il fallait alors faire face à la crise pétrolière (1973-1979) et à la crise économique qui en découlerait. Cette décennie fut également marquante pour les différents mouvements sociaux, alors épuisés et à bout de souffle. Le mouvement féministe ne s’en sort pas indemne, d’autant plus que l’évolution et le changement de certains paradigmes s’opèrent au sein même de ces groupes.
Du pain pour les besoins essentiels, des roses pour une meilleure qualité de vie
Dès le début des années 1990, des Québécoises issues de ces mouvements décidèrent de relancer le débat dans la société et de provoquer des modifications des politiques. Le taux de chômage élevé et les mesures mises en place dans les années précédentes provoquèrent une nouvelle prise de conscience et un désir d’agir dans le mouvement féministe. De plus, le contexte politique québécois était favorable à un changement radical. L’élection du Parti Québécois et le retour de l’idée d’indépendance (Référendum de 1995) créent une opportunité intéressante. On souhaite refonder la société sur de réels principes d’égalité, repenser une nouvelle base sociale. Ainsi, il fallait s’attaquer aux causes mêmes des problèmes du système : les conditions économiques des femmes.
Françoise David et la Fédération des femmes du Québec entreprirent d’organiser une marche de 10 jours : 850 femmes enfilèrent leurs chaussures et toutes convergèrent à Québec. Le 4 mai 1995, ce furent plus de 15 000 femmes qui se rassemblèrent devant l’Assemblée nationale. À la mémoire d’une grève ouvrière aux États-Unis désignée Bread and Roses, la marche québécoise prit le nom de Du pain et des roses.
Une initiative collectivement québécoise
D’ailleurs, la militante Lorraine Guay mentionne que « cet événement a remis le mouvement des femmes sur la carte et a insufflé aux groupes communautaires beaucoup d’énergie ». À la fin septembre, l’idée de marcher partout sur le globe fait son apparition. « Si 10 pays embarquent, on le fait ! ». Et c’est ce qui se produisit. Des femmes de partout dans le monde se sont mises à marcher contre les politiques économiques internationales et locales, ainsi que les diverses inégalités au sein de leurs propres communautés. En 2004, cinq valeurs deviennent officiellement celles qui fondent la Charte mondiale des femmes pour l’humanité, et ainsi celles des prochaines marches (2005, 2010,2015 et 2020) : l’égalité, la liberté, la solidarité, la justice et la paix.
Le message de ces marches visait principalement les dirigeants et les élus, mais en 2015, la stratégie des marches féministes change. Si les revendications s’adressent toujours aux gouvernements, le message, lui, cherche à transformer et à mettre en action les femmes. L’éducation populaire est au cœur de ce message : « Libérons notre corps, nos terres et nos territoires », ce slogan le démontre bien. La mobilisation, guidée par les cinq valeurs susmentionnées, s’effectue alors différemment.
En sol québécois
La suite du mouvement ne laissa pas en reste le Québec et la Mauricie. Diverses mobilisations locales et nationales se sont organisées. La Charte des femmes pour l’humanité fut déposée par le biais d’une file humaine, passant de mains et mains, au Parlement à Québec. Le 17 octobre 2015, Trois-Rivières accueillit des femmes de partout, la ville étant désignée comme hôte du rassemblement de la Marche mondiale des femmes. Les murs trifluviens tremblèrent au son des revendications de plus de 10 000 femmes québécoises, mais également de celles du monde entier.
2020 : une 5e Marche mondiale des femmes
Une fois de plus cette année, entre le 8 mars (Journée internationale pour les droits des femmes) et le 17 octobre (Journée internationale pour l’élimination de la pauvreté), les femmes du monde entier seront appelées à enfiler leurs chaussures pour marcher dans un but non seulement d’égalité entre les sexes, mais aussi d’une société libre, solidaire, juste et guidée par la paix. C’est ce que toutes les femmes revendiquent. En 25 ans, le mouvement a évolué, mais les valeurs ainsi que les revendications demeurent les mêmes. Le mouvement des femmes montre que les effets du néolibéralisme et du patriarcat sont présents dans toute société et qu’ils nous touchent toutes. Femmes québécoises comme femmes du monde. Elles sont de partout. Elles sont légion. Nous sommes en marche. Marcherez-vous avec nous ?
Sources :
Qui sommes-nous pour être découragées ? – Pascale Dufour, Lorraine Guay.
https://www.dssu.qc.ca/wp-content/uploads/Histoire_de_la_Marche_mondiale_des_femmes.pdf
https://ffq.qc.ca/participer-actions/marche-mondiale-femmes/
https://www.csn.qc.ca/marche-mondiale-des-femmes/histoire/
https://www.ledevoir.com/opinion/libre-opinion/442240/du-pain-et-des-roses-20-ans-deja
http://bilan.usherbrooke.ca/bilan/pages/evenements/3704.html
https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/744807/marche-mondiale-des-femmes-trois-rivieres
https://www.cairn.info/revue-l-homme-et-la-societe-2015-4-page-95.htm#