L’école inclusive constitue maintenant la voie vers une éducation plus juste et équitable. Il ne s’agit plus simplement de garantir un accès égal à l’éducation, mais de permettre à chaque élève de réussir et de s’épanouir en tenant compte de ses besoins spécifiques.
Il serait difficile de ne pas souscrire à cette vision : qui pourrait être contre l’idée de permettre à chaque élève, quelle que soit son identité, de s’épanouir pleinement dans un environnement scolaire adapté à ses besoins ? Cependant, la réalité n’est pas si simple, et derrière cette aspiration se cachent des défis bien réels, qui, s’ils ne sont pas relevés, risquent de transformer ce désir d’inclusion en une source de stress, non seulement pour les élèves, mais aussi pour les personnes enseignantes.
La conception universelle des apprentissages est-elle la solution ?
On présente souvent la conception universelle des apprentissages (CUA) comme la solution idéale pour créer des écoles inclusives. En s’inspirant du concept de design universel, cette approche vise à élaborer des méthodes pédagogiques qui anticipent les besoins des élèves afin de rendre l’apprentissage accessible à tous et à toutes.
L’idée de penser en amont les méthodes et les techniques d’enseignement les plus pertinentes plaît évidemment à l’esprit. En théorie, cela permettrait de gagner du temps et de réduire les dépenses à long terme en évitant de devoir utiliser l’approche individualisée, devenue trop coûteuse pour être efficace.
La CUA, bien que fondée sur des principes louables, peut parfois être déconnectée du quotidien du personnel enseignant. En effet, les connaissances universitaires et les recherches en pédagogie sont évidemment précieuses, mais elles sont parfois trop théoriques pour s’appliquer dans le quotidien des équipes-écoles.
De plus, certaines recommandations peuvent parfois sembler prescriptives, ce qui pourrait donner l’impression de sous-estimer l’expertise du personnel enseignant sur le terrain. Il est important de reconnaître que les enseignantes et les enseignants sont des spécialistes de l’éducation qui sont en mesure de bien comprendre les besoins de leurs classes et d’y répondre. Leur imposer une méthode unique, même si elle validée et que cela part d’une bonne intention, pourrait restreindre leur autonomie professionnelle, nuire à leur motivation et diminuer leur valorisation sociale.
Par ailleurs, bien que la CUA représente une bonne solution pour répondre aux divers besoins des élèves, elle peut ajouter de la complexité à la tâche du personnel enseignant lorsqu’elle est mal encadrée. Évidemment, offrir aux élèves une variété de méthodes d’apprentissage et diversifier les supports de présentation demeurent des objectifs pédagogiques essentiels.
Cependant, ces efforts demandent temps, énergie et ressources, et ils ne devraient pas reposer uniquement sur les épaules du personnel enseignant. Dans un contexte où ils et elles sont déjà sous pression et où les classes sont souvent surchargées, il est crucial que ces initiatives soient soutenues par des ressources adéquates pour éviter de rendre leur travail encore plus difficile.
La solution repose-t-elle sur l’autonomie ?
On remet souvent en question l’autonomie professionnelle des enseignantes et des enseignants – autonomie qui devrait selon moi être un pilier de l’éducation. On leur demande d’adapter leurs pratiques, de différencier l’enseignement et de répondre aux besoins individuels de chaque élève, tout en leur imposant des programmes rigides et des objectifs de performance standardisés. Cette contradiction entre les exigences croissantes et une autonomie professionnelle restreinte peut contribuer à l’épuisement du personnel enseignant et entraîner une qualité d’éducation inégale pour les élèves.
Par conséquent, il me semble impératif de réfléchir à ce que signifie réellement l’école inclusive. Est-ce simplement à le fait d’accueillir l’ensemble des élèves dans les mêmes classes, sans distinction, ou s’agit-il d’un véritable engagement à offrir à chaque élève un parcours éducatif adapté à ses besoins ?
Pour que cette dernière vision se concrétise, il est nécessaire de revoir en profondeur les conditions de travail des enseignantes et des enseignants. Même si la formation en enseignement pouvait bénéficier d’une meilleure intégration des notions d’équité, de diversité et d’inclusion, elle ne devrait pas selon moi imposer une seule méthode pédagogique. Il serait préférable que la formation universitaire en offre un éventail, ce qui favoriserait l’usage du discernement professionnel quant au choix des approches les plus appropriées à la réalité de chaque classe.
Chaque élève a évidemment des besoins et une identité dont on doit tenir compte, mais il ne faut pas non plus réduire l’influence du groupe sur l’individu et sur la gestion de classe.
Au-delà de tout cela, la relation humaine entre les enseignantes et les enseignants et leurs élèves constitue selon moi le facteur primordial. Donnons les ressources nécessaires à celles et ceux qui enseignent et laissons-leur la liberté d’utiliser leur créativité, leurs connaissances et leur humanité pour offrir une éducation inclusive aux enfants.